La création contestée d'un fichier des "décrocheurs"
L'application SDO est un des nombreux "modules" de Sconet, application informatique nationale utilisée dans tous les établissements du second degré. Sconet comporte une quinzaine d'applications différentes permettant aussi bien de répertorier les élèves, de gérer les classes, les services d'enseignement des professeurs, les bourses, les absences et retards, les affectations en lycée, etc. Comme dans tout grand système informatique, ces applications ne communiquent pas forcément entre elles et l'accès individuel à chacune est conditionné au niveau de responsabilité et à la fonction occupée. Sa mise en place a été approuvée le 24 mars par la commission nationale informatique et libertés.
Selon le point de vue officiel, ce module est un des "outils de suivi et de pilotage" dont se dote l'éducation nationale pour mieux remplir ses missions. "C'est au bénéfice des élèves", déclare le directeur général de l'enseignement scolaire, Jean-Michel Blanquer, qui déplore l'expression "fichier des décrocheurs", utilisée par les opposants, et ses connotations policières. "Le décrochage est quand même un phénomène gravissime. Et l'application SDO doit nous permettre de mieux le cerner, donc de mieux lutter contre. Alors que veut-on ? A force d'être obsédé par les fichiers, on finira par forcer l'éducation nationale à travailler comme au XIXe siècle !"
Le module SDO, rappelle la circulaire de rentrée, "automatise le repérage des élèves sans solution de formation, facilite le travail de suivi des élèves en risque de rupture scolaire et favorise les échanges d'informations entre les acteurs au sein de l'établissement scolaire,sous la responsabilité du chef d'établissement, et avec les autorités académiques." Pour les jeunes de plus de 16 ans n'ayant pas de qualification reconnue, la mission générale d'insertion "s'efforce d'offrir à chacun des solutions individualisées", l'objectif étant de "permettre le maintien dans une formation menant à un diplôme professionnel."
Les contestataires s'inquiètent du fait que, dans les fiches nominatives, un champ prévu pour contenir des informations sur les motifs ou les risques du décrochage autorise les commentaires libres. "L'information doit être utile et pertinente, il n'y aura rien sur la vie privée, rétorque M. Blanquer. De plus, les données sont détruites au bout de deux ans et ne sont communiquées à aucune autre administration. L'information n'est partagée qu'entre le principal de collège, le proviseur de lycée et le directeur de centre d'information et d'orientation." Et d'ajouter : "si par exemple un élève affecté en lycée professionnel n'a pas rejoint son établissement en septembre, il sera possible de commencer à agir, plutôt que de mettre des mois à s'apercevoir qu'il est parti dans la nature."
Toutefois, la circulaire de rentrée, signée par M. Blanquer, rappelle
que ce principe de non transmission des informations ne saurait être
absolu dans l'éducation nationale. Dans un passage qui ne concerne pas
les applications informatiques mais porte sur les "élèves en grande
difficulté", elle indique qu'"en cas de danger présumé, après
une réflexion partagée au sein de l'équipe éducative et, le cas échéant,
avec les partenaires, les informations préoccupantes sont transmises au
Conseil général et, dans les situations les plus graves, au procureur
de la République". C'est cette potentialité de transmission de
données, liée aux affaires de sans-papiers et plus largement aux
tentations politiques "sécuritaires", qui alimente la défiance
des contestataires.
Luc Cédelle
"Base élèves", le fichier du primaire reste contesté
Expérimenté depuis 2004, généralisé depuis la rentrée 2009, le fichier "Base élèves" recense tous les écoliers de la maternelle au CM2, chacun étant doté d'un "identifiant national".
Il contenait, dans ses premières versions, des informations "sensibles" comme la nationalité de l'enfant, la date d'arrivée en France des parents, la culture d'origine et la langue parlée à la maison. Celles-ci ont été expurgées par un arrêté pris en 2008 par Xavier Darcos, alors ministre de l'éducation. Selon le ministère et la CNIL, les données nominatives ne sont accessibles qu'au niveau local. Elles ne remontent pas jusqu'aux rectorats et l'interconnexion avec d'autres fichiers est impossible. Réunis depuis 2004 dans un collectif national de résistance à Base élèves, des parents d'élèves et des enseignants continuent de réclamer sa suppression. Ils ont réussi à faire en sorte que la France soit, en 2009, sommée de s'expliquer dans le cadre de la session du comité des droits de l'enfant de l'ONU.
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