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La jeunesse kanak veut trouver sa place

Les Nouvelles Calédoniennes. Publié le lundi 21 mai 2012 à 03H00

 

400 jeunes de tout le pays se réunissent dès aujourd’hui à Lifou pour le deuxième congrès de la jeunesse Kanak. Après Païta en 2010, où près de 1 000 jeunes ont mis des mots sur leurs maux, Lifou doit être le congrès de l’action.

Encadrée par des juristes, des professeurs, des formateurs, des coutumiers, des élus, les jeunes vont travailler pendant une semaine sur les actions à mettre en place

 

Même s’il n’est pas nouveau, le constat est accablant. La jeunesse kanak va mal, très mal même, et c’est elle qui le dit. « Dans l’étude réalisée par le Sénat coutumier en 2009 sur saisine du haussariat [lire ci-contre], tout comme lors du premier congrès, ils ont exprimé un très grand malaise sociétal, explique Rolande Trolue, coordinatrice de la politique de la jeunesse kanak au Sénat coutumier. Une partie de la jeunesse, celle qui vit en milieu urbain, est particulièrement déracinée. Ce malaise a bien sûr différentes sources, même s’il est pour beaucoup dû aux changements profonds et rapide qu’a subie la civilisation kanak. Mais il faut désormais que les jeunes trouvent leur place, leur identité, dans un nouveau mode de vie, avec de nouvelles règles. »

Action. Plutôt que de s’apitoyer sur son sort, la jeunesse a décidé depuis 2010 de prendre les choses en main. Le deuxième congrès de la jeunesse kanak qui s’ouvre demain à Lifou en est la preuve. Après le temps de la réflexion, lors du premier congrès de Bangou en 2010, les jeunes des huit aires, sous l’égide du Sénat coutumier et à la demande du haussariat, ont décidé de placer ce nouveau rendez-vous sous le signe de l’action.
A Bangou, ils en ont tracé les grandes lignes, même si les sénateurs coutumiers expliquent que cela « a révélé l’existence de nombreux obstacles à la libération de la parole qui restent encore à surmonter ». Première conclusion : l’école ne prend pas suffisamment en compte les valeurs de leur culture. Pour les jeunes congressistes, elle doit être un outil d’émancipation et doit enseigner toutes les étapes de leur histoire.
Les autorités coutumières ont également été mises en cause. Les jeunes ont dénoncé le manque de soutien et les préjugés dans lesquels elles les enferment. Idem pour la société calédonienne.

Stigmatisation. Ils déplorent le fait que leur façon de se regrouper, notamment en centre-ville, attise les craintes et stigmatise les jeunes Kanak comme des délinquants. Ils expriment clairement que cette délinquance est le résultat de plusieurs réalités conjuguées et il convient de les identifier pour éviter de culpabiliser cette jeunesse « meurtrie par des conditions de vie difficile dues à leur déracinement culturel dans un environnement qui ne prend pas en compte leur identité ». Le mot est lâché est c’est bien là le fond du problème en somme car pour eux, être citoyen ne veut pas dire grand chose. La jeunesse Kanak cherche sa place et demande clairement de l’aide aux autorités coutumières, surtout, pour leur donner les outils nécessaires à leur émancipation. Dès aujourd’hui et jusqu’à vendredi, à Lifou, ils vont travailler sur du concret. Il leur faudra d’abord mettre en place un conseil de la jeunesse kanak dans chaque aire. C’est cet outil qui leur permettra à l’avenir de faire des propositions aux coutumiers, aux autorités, et de mener des actions spécifiques pour améliorer leur situation. Il devrait en découler un conseil de la jeunesse Kanak de Nouvelle-Calédonie. Une vingtaine de recommandations ont été faites pour cette semaine studieuse, comme réfléchir à la mise en place d’une école de la coutume, d’une police coutumière, de comités de prévention ou encore de jumelages entre tribus… Pour ce nouveau défi, le Sénat coutumier, sur saisine de l’Etat comme le stipule l’article 143 de la loi organique, mettra de gros moyens à disposition. « Mais c’est bien la jeunesse qui va faire le travail car c’est de son avenir et celui du pays dont il est question », insiste Samuel Goromido, le président du Sénat coutumier.

Le chiffre : 38

C’est, selon une étude réalisée par l’Inserm en mars 2008 (Institut national de la santé et de la recherche médicale), le taux en pourcentange d’inactivité et de chômage chez les jeunes Kanak. Il est de 21 % chez les Polynésiens, de 9 % chez les Européens calédoniens, de 7 % chez les Métropolitains et de 19 % chez les autres.

Les constats du Sénat coutumier

Pour le Sénat coutumier, qui s’est appuyé sur une enquête auprès de 314 jeunes âgés de 16 à 25 ans (182 garçons et 132 filles) originaires des huit aires coutumières et sur les auditions d’une quarantaine de professionnels de la jeunesse, le constat est sans équivoque. Dans son rapport, il mentionne que « Oui, il y a ces dernières années une intensification de la délinquance [...]. Il faut souligner que 85 % des détenus sont d’origine kanak. Oui, il est constaté que 20 % des jeunes Kanak disparaissent chaque année des statistiques et sont considérés sans diplôme [le taux d’échec étant compris entre 20 et 25 %]. » Dans l’étude, à la question « Que signifie être kanak aujourd’hui ? » 24,2 % répondent « savoir cultiver sa terre », 59,8 % « connaître sa coutume », 3,1 % « être de ce pays, lutter pour son indépendance » et 0,6 % « ne signifie rien ». A la question « Que représente la culture kanak ? » 44,6 % répondent « notre identité, nos racines », 24,8 % « notre coutume, les fêtes », 14,9 % « La base de l’éducation, le respect » A la question « La coutume a-t-elle toujours sa place dans la société actuelle ? » 58,2 % répondent « oui » et 17,5 % « non ». Enfin, à la question « La société défend-elle l’égalité des chances ? », ils sont 51,5 % a répondre que « oui le système éducatif permet d’acquérir des connaissances pour s’insérer », 8,3 % répondent que « oui, mais le système éducatif est peu adapté » et ils sont 10,8 % à dire « non, la société ne défend pas l’égalité des chances ».

Textes : Ludovic Lafon - Photo Archives LNC



20/05/2012
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