Le long chemin du droit coutumier
Mariage,
décès, adoption, foncier. Tout ce qui relève de l’état civil pour les personnes
relevant du statut coutumier fait l’objet d’un acte écrit par un officier
public. Une démarche inscrite dans la loi organique qui n’est pas encore tout à
fait entrée dans les mœurs.
Catherine
Léhé, Les Nouvelles Calédoniennes, 24/11/09
Sous la case extérieure de Ko Wé Kara, c’est jour de fête. Assis sur les nattes, les membres de la famille ou du même clan qu’Isabelle Wautreno et Michel Deuko fixent du regard les futurs mariés. Le jeune couple originaire de Lifou et dont les familles sont installées depuis plusieurs années au Mont-Dore a choisi de se marier à Nouméa. Pour accomplir leur démarche, plus question d’aller cette fois à la mairie se dire oui. Leur union va faire l’objet d’un acte coutumier qu’ils vont signer devant leurs proches, tout comme une dizaine de personnes désignées par leur clan au préalable. Et tous se rendront ensuite à l’église de Montravel pour célébrer le mariage, religieusement. L’acte se déroule sous le regard de Rock Togna, officier public coutumier du Grand-Nouméa et détaché pour l’aire Drehu à cette occasion, comme le veut la loi organique de l’accord de Nouméa mise en application depuis le 1er septembre 2008. L’agent a remplacé les gendarmes qui jusqu’à l’an dernier rédigeaient les procès verbaux de palabres, du moins pour ce qui relevait du foncier.
Avant le jour J, la famille de Michel a reçu, dans le quartier de Saint-Michel, tous les invités, soit plusieurs centaines de personnes venues apporter leur assistance à ce mariage. Car à Lifou, c’est la famille du garçon qui reçoit. Peu importe si ça doit se passer en milieu urbain. « Cela a été une décision de la famille. Pour nous, c’était plus simple de le faire au Mont-Dore et à Nouméa, raconte Louise l’aînée de la famille. On a prévenu les voisins pour le bruit. » Car tous les soirs une quinzaine de jours avant le mariage, chaque arrivée d’invités de la noce fait l’objet d’une coutume. Un geste pour dire bonjour mais souvent accompagné de danses. « Mon frère est celui va diriger la famille dans la coutume, qui va reprendre la relève du père, Evanès Boula, décédé en 2005. »
« La coutume s’exprime toujours mieux quand elle est chez elle »
Le respect de la tradition est donc très important. Et le déplacement d’un agent coutumier sur place est un plus. « Cela permet d’être proche des pratiques de l’aire coutumière, analyse Rock Togna. La coutume s’exprime toujours mieux quand elle est chez elle. Ils ont des repères qu’ils retrouvent, qui sont exprimés dans les discours. » Mais cette organisation sur Nouméa engage aussi certains frais supplémentaires pour cette famille en tout cas, qui doit louer une salle. « C’est très important pour nous de garder cette coutume, affirme Louise, même si le monde a évolué, il faut conserver les bases, même si c’est beaucoup de sacrifices. »
Pour les habitants des tribus des trois communes de l’agglomération, le mariage peut se faire directement à domicile. « Avant on allait à la mairie et le lendemain à l’église, rappelle Philippe l’un des grands frères de Michel. Cela a tout chamboulé au niveau de l’organisation. C’est tout nouveau pour nous, on était même pas informé de cela. Et ce que je regrette, c’est que la logique ne va pas jusqu’au bout, que ce ne soit pas dit en langue, pour nos vieux qui ne parlent pas bien le français. »
C’est ce qui est prévu à terme avec le travail mené par l’académie des langues kanak. L’écriture des actes coutumiers doit elle aussi faire son chemin.
Repères
Différentes coutumes pour le mariage
Pour le mariage de Michel et d’Isabelle, différentes coutumes ont eu lieu au fil des jours. Deux week-ends avant le mariage, par exemple, il y a eu la constitution de la valise pour la mariée, remplie de 80 robes. Plusieurs sommes d’argent ont aussi été rassemblées.
Trente
jours pour enregistrer le mariage
Après un mariage coutumier, les deux époux ont trente jours pour l’enregistrer
en mairie. En cas de séparation, c’est une procédure de dissolution qui doit
être établie, comme pour le mariage, à la demande du clan. Pour divorcer, les
deux personnes doivent changer de statut.
Avant le mariage, il y a eu deux publications faites par le diacre ou le pasteur.
L’information met encore du temps à circuler. Pour la faire passer, les officiers publics tentent dès qu’ils le peuvent de tenir des permanences en mairie. Ils sont deux agents à travailler sur le Grand-Nouméa.
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