Maré choquée et divisée
Publié le mercredi 10 août 2011 à 03H00, Les Nouvelles Calédoniennes.
Le quotidien des habitants a été bouleversé par les affrontements du week-end. Entre contrôles routiers et étals du marché désert, on se dépêche de faire ses courses et de rentrer chez soi.
Maré est en deuil et compte ses morts : quatre jeunes, tombés lors des affrontements, samedi, entre le Collectif des usagers d’Air Calédonie et le Comité pour la défense des populations les plus démunies. Les balles ont fusé et le sang a coulé dans le nord-est de l’île. Alors en ce matin de marché, à Tadine, la peine et l’inquiétude règnent autour des stands peu garnis. « Il y a beaucoup de monde normalement, c’est plein. Mais là… », souffle Nia. Les échanges de marchandises démarrent habituellement vers 6h30 pour se terminer vers 11 heures. « Là, à 9 heures, c’était fini », ajoute la dame aux cheveux grisonnants. Pas de mystère, « chacun est resté chez soi, commerçants comme clients, remarque une jeune fille. Les gens ont peut-être peur de se déplacer ». D’autant qu’au marché, traditionnel lieu de retrouvailles, se croisent souvent des gens des districts de La Roche et de Guahma, aujourd’hui en conflit.
Famille. Une fois passés le rond-point du monument aux morts et quelques maisons, en direction du nord, des mamans et des vieux s’attardent au magasin, histoire de faire quelques courses. Mais « on ne parle pas de ce qui s’est passé samedi, c’est douloureux, observe une femme âgée. C’est très dur. On est tous un peu famille à Maré. » Tout le monde connaît, au moins, un homme parmi les morts. Même si les bâtiments de la poste ou de services de la mairie ont rouvert leurs portes, l’activité tourne au ralenti. Le drame a touché l’île en plein cœur et les habitants sont choqués. « On est très inquiets », déplore devant la gendarmerie Marie. Faute d’avions, le bureau du Betico a, lui, fait salle comble ou presque hier matin, le ferry devant arriver dans l’après-midi de Nouméa. A son arrivée, au port de Tadine, ses soutes étaient chargées de cartons de nourriture et de produits pharmaceutiques préparés sur la Grande Terre. Une bouffée d’oxygène qui rassure, mais n’efface rien.
Représailles. La vie ne peut être comme avant. Les routes sont libres, la circulation est possible. Toutefois, les camions bleus de gendarmerie, aperçus ici et là en mouvement, rappellent que la tension est toujours palpable sur l’île. Des militaires, placés sur le bas-côté, vers Tuo, arrêtent toutes les voitures et invitent à ouvrir le coffre des véhicules. Ils recherchent des armes. « Les gens ont peur de représailles », commente Pierre, habitant de la tribu de Wakone, dans l’est. La tâche de la mission de « médiation » sera justement de renouer le fil du dialogue entre les opposants. Les religieux, le pasteur Philippe Capoa ainsi que le père Roch Apikaoua, doivent débarquer cet après-midi en pays nengone. Tandis que les médiateurs coutumiers, attendus ce matin, travaillent déja, dans la discrétion. « Il ne sera pas possible, à mon avis, de discuter naturellement entre les chefferies, regrette Pierre, avant de monter dans son 4x4. Il faudra l’intervention des forces de l’ordre. »
Les chefferies du Nord appellent à la sagesse
Un collectif réunissant cinq grandes chefferies Elenod de Maré (La Roche, Tadine, Médu, Tawainedre et Pénélo) a tenu à apporter sa version des faits après les événements tragiques du week-end dernier dans un communiqué diffusé hier.Le collectif assure que « depuis le jeudi 4 août, le district de La Roche a subi plusieurs expéditions punitives de groupes armés du Guahma ». Raison pour laquelle des barrages ont été érigés, « pour que les gens puissent se protéger », explique un représentant du collectif. Le collectif « appelle à la sagesse de chacun, notamment des responsables coutumiers de l’île. La médiation doit permettre aux parties de dialoguer et mettre en évidence les responsabilités dans cette affaire. » « Nous lançons un appel pour que le deuil des familles soit respecté et que la situation s’apaise. Nous avons une pensée profonde pour les victimes et leurs familles. Dans l’intérêt majeur de nos populations, il est temps que nous, coutumiers de l’île, puissions régler définitivement nos conflits qui n’ont que trop duré », conclut le communiqué.
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