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Le vélo, un nouveau remède anticrise

LEMONDE.FR | 26.01.12 | 14h03   •  Mis à jour le 26.01.12 | 14h13

 

"Je suis cycliste à Toulouse de façon régulière depuis plus de dix ans et je dois dire qu'ici, le vélo doit montrer ses muscles pour se faire respecter." Comme cet internaute, trois millions de Français enfourchent chaque jour leur bicyclette pour se rendre sur leur lieu de travail, faire leurs courses ou leurs déplacements de loisir. Et s'ils peinent à pédaler, ce n'est pas forcément du fait d'une route trop pentue. "Les cyclistes sont confrontés à une insuffisance de pistes aménagées, de zones de rencontres [zones fermées aux voitures, mais ouvertes aux scooters, vélos et piétons], et de zones limitées à 30 km/h en ville", dénonce Jean-Marie Darmian, président du Club des villes et territoires cyclables. Le nombre d'utilisateurs de vélos a pourtant progressé, note le maire de Créon, près de Bordeaux : 4,7 % de Français utilisent ainsi leur vélo tous les jours, "contre moins de 3 % il y a dix ans". Une utilisation qui s'est fortement développée avec la mise en place de vélos en libre-service comme à Paris, à Bordeaux ou à Lyon. C'est pour répondre à cette progression – que les villes ont parfois du mal à absorber – et développer l'usage du cycle, que le gouvernement présente un "Plan national vélo", jeudi 26 janvier.

DISPARITÉS D'UNE VILLE À L'AUTRE

Ce plan doit d'abord aplanir des disparités territoriales criantes. Lorient fait ainsi figure de pionnière, avec 96 % des voies aménagées pour les cycles. Strasbourg, où 35 % des voies sont aménagées, est la ville qui connaît la pratique la plus régulière du vélo, avec 9 % des déplacements qui s'effectuent en pédalant. Arrivent ensuite Bordeaux et Lyon, où l'utilisation du vélo représente 6 % des déplacements, puis Paris, avec 5 %.

Dans d'autres villes, le vélo est à la traîne. La Fédération française des usagers de la bicyclette (Fubicy), qui décerne chaque année le prix "clou rouillé" (lien PDF), l'a attribué en 2011 à la ville de Saint-Avold (Moselle), expliquant que "la mairie continue à adapter la ville à la voiture et pénalise de ce fait les déplacements à vélo. En centre-ville, il y a 2 000 places de parking pour les voitures, contre douze arceaux pour les vélos !" Les villes de Reims et de Lyon ont également été nominées. Cette disparité sur le territoire français s'explique par l'absence de politique nationale : ce sont les mairies et les collectivités locales qui choisissent, ou non, de déployer des politiques favorables au vélo.

 

Les pistes sont nombreuses pour améliorer le quotidien du cycliste : généralisation des sas pour vélos aux feux rouges pour faciliter la visibilité des automobilistes, systématisation du "tourne à droite"(PDF) aux feux rouge et du double-sens cyclable dans les zones à circulation ralentie. "Une vitesse limitée à 30 km/h doit être une règle et le 50 km/heure, une exception (...)", plaide-t-on d'ailleurs à la Fubicy. Certains plaident aussi pour la mise en place d'un "code de la rue", comme en Belgique, mais le gouvernement s'y est jusque là montré hostile, préférant amender timidement le code de la route : le double-sens reste ainsi à la discrétion des municipalités…

D'autres propositions ont été mises sur la table par les associations. Avec plus de la moitié des déplacements qui s'effectuent pour des trajets de moins de trois kilomètres, la Fubicy a insisté sur l'importance de l'intermodalité, c'est-à-dire la possibilité d'effectuer une partie de son itinéraire en vélo. "On souhaite la possibilité d'embarquer le vélo dans les tramways ou encore la mise en place de relais-vélos dans les gares", explique Perrine Gaillet.

Le Club des villes et territoires cyclables a, de son côté, mis la priorité sur les déplacements domicile-travail : alors que les titres de transports sont généralement pris en charge par les entreprises, comme une partie des trajets en voiture, Jean-Marie Darmian propose "une prime de 0,20 centimes d'euros par kilomètre effectué en vélo et une déduction fiscale pour les entreprises qui mettraient un vélo à disposition des salariés". Le Club des villes et territoires cyclables souhaitait également consacrer 10 % des investissements dans les chantiers de routes et autoroutes à la "mobilité douce". L'indémnité kilométrique a été retenue par le groupe de travail chargé d'élaborer une proposition plan, mais doit encore être approuvée par le ministre des transports, Thierry Mariani, qui donnera ses arbitrages jeudi 26 janvier.

REMÈDE ANTICRISE

Pour faire progresser leur cause, les associations avancent un argument opportun : la crise. "Avec l'augmentation du coût de l'énergie, si l'on supprime par exemple une des deux voitures du foyer, on peut réaliser des économies considérables", affirme Perrine Gaillet. Chaque année, le coût d'une voiture est évalué à 3 700 euros par Français en moyenne, selon le bureau d'études au service des politiques alternatives (à partir de données de 2007, en PDF), et à 5 744 euros, par l'association d'automobilistes Automobile Club Association (PDF). Des évaluations qui sont fortement soumises au prix du carburant, mais qui ne peuvent rivaliser avec le coût d'un vélo : les premiers prix d'un vélo neuf de ville en magasin avoisinent à peine les 200 euros.

Outre les économies possibles, Jean-Marie Darmian avance également l'argument "santé et environnement". Selon une étude Atout France, l'agence de développement touristique de la France, l'usage du vélo trente minutes par jour permettrait de prévenir les maladies et de réduire ainsi les coûts de la santé. Un calcul de la fédération des cyclistes européens prévoit une réduction de 15 % des émissions de CO2 dans les transports si chaque Européen prenait le guidon autant que les Danois, 2,6 km par jour.

 

Malgré ces nombreux arguments en faveur du vélo, Jean-Marie Darmian craint que les mesures retenues par le gouvernement ne soient pas audacieuses, dans un contexte de rigueur économique. "Le problème, c'est qu'il faut démolir toutes les voies pour reconstruire. A Paris par exemple tout a été aménagé pour la voiture et la faire aller au plus vite du point A au point B." En outre, "la notion de culture du vélo n'existe pas en France, parce que le poids du lobby automobile est trop fort, souligne Jean-Marie Darmian. On est encore loin de l'aménagement d'autoroutes à vélo comme aux Pays-Bas". Un pays où les habitants parcourent 800 à 1 000 kilomètres par an à vélo, contre 87 km en moyenne pour les Français, selon l'Observatoire des politiques et stratégies de transport en Europe (PDF).

 

Flora Genoux



26/01/2012
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