Les Calédoniens guettés par l’endettement
Si la toute jeune commission de
surendettement traite finalement peu de dossiers en Nouvelle-Calédonie, la
problématique de découvert bancaire est une réalité. Pour l’association UFC-Que
Choisir, « il existe des cas catastrophiques cachés ».
Sous certains toits, le
repas du soir et parfois du midi, est maigre : un bol de thé, un morceau
de pain. « Saigné à blanc », « dans le rouge »,
« les poches vides », « devoir à Dieu et à
diable »… Il existe autant d’expressions que de larmes sur le relevé
bancaire. Si le montant global de l’épargne chez les ménages est estimé à
environ 300 milliards de francs, la Nouvelle-Calédonie compte aussi des
citoyens sans aucune économie devant eux. Pire, des foyers criblés de dettes.
Mais combien sont-ils ? La toute jeune commission de surendettement des
particuliers examine, en moyenne, six dossiers par mois à Nouméa… Quand la
structure similaire de Guadeloupe en épluche trente. Ici, le niveau de créances
douteuses atteint seulement 2 à 3 %, « ce qui est très bas »,
juge un spécialiste relevant que l’autorité compétente, l’Institut d’émission
d’Outre-Mer, s’inquiète lorsque le ratio atteint les 8 %. « Les
gens ici ne sont pas mauvais payeurs ». Mieux,« les banques
ont un portefeuille sain, note Thierry Beltrand, directeur de l’antenne de
l’IEOM, mais la situation est fragile ».
Un fait illustre cette
vulnérabilité : pour un dossier de surendettement dûment rempli et déposé,
il y en a trois à quatre retirés. Une telle différence s’explique notamment par
l’intervention d’une solidarité familiale tirant certains de leur mauvaise
passe, mais aussi par la peur d’être fiché « interdit bancaire »
surtout dans un petit pays où tout se sait, ou par crainte d’être inscrit au
fichier des incidents de remboursement de crédits… « Je pense encore
que beaucoup de personnes endettées ne sont pas venues nous voir »,
souligne un membre de la commission.
« 70 % des comptes bancaires particuliers
connaissent des incidents de paiement en début et en fin d’année. »
Témoins privilégiés, les
services sociaux ne chôment pas en effet. Surtout en fin et début d’année. « La
période des fêtes est collée aux grandes vacances scolaires qui elles-mêmes
sont suivies de la rentrée dans les écoles », remarque Emelyne
Caramalli, du service « Actions éducatives au budget » à la ville de Nouméa.
« Cette phase est longue et dure financièrement : les gens n’ont
plus d’argent ». Exact : 70 % des comptes bancaires
particuliers connaissent des incidents de paiement durant ce laps de temps,
observe Jean Faure, responsable du service juridique à la Société Générale.
70 %, dans un pays où 60 % des salariés du privé gagnent le SMG, un
peu plus ou un peu moins. Bref, « tout le monde ou presque est en
dépassement ». Plus largement, et comme l’indique un autre banquier
de la place, une majorité des clients utilise abondamment l’autorisation de
découvert.
Si la croissance économique permet de sortir la tête de l’eau, la société de
consommation, phénomène en pleine expansion depuis une quinzaine d’années sur
le territoire, pousse le citoyen vers l’acte d’achat. « Je peux
résister à tout, sauf à la tentation », écrivait Oscar Wilde au XIXe
siècle. Il semble qu’il ait fait école en Calédonie.« Il y a des cas
catastrophiques cachés », constate aujourd’hui Luce Lorenzin,
vice-présidente de l’UFC-Que Choisir. La responsable, mais aussi les
travailleurs sociaux ou les banquiers, a depuis longtemps identifié
« le » piège à liquidités : la voiture. « Ici, on aime
bien flamber, on aime que ça jette ! », plaisante un banquier.
En résumé, certains automobilistes ont les yeux plus gros que le capot du
tout-terrain. Mais où trouver l’argent ? La « location de
véhicule avec option d’achat », fait fureur, semble-t-il. « On
peut vous l’accorder ici sans versement initial ! », s’exclame
la responsable de l’UFC. Pointés du doigt, les établissements de crédit
assurent tenir compte de la capacité de remboursement du candidat. Certains
clients voient pourtant rouge lorsqu’on leur refuse un prêt. Comme le souffle
un juriste, « le crédit ici paraît un droit ».
Yann Mainguet
LNC, le 09 mars 2010
Le consommateur est-il
réellement bien protégé en Nouvelle-Calédonie ? La question peut se poser,
de prime abord, devant un vide : il n’y a pas véritablement de juristes ou
autres avocats spécialisés en la matière ; et aucune étude récente sur
l’endettement et le surendettement disponible ne vient nourrir la réponse.
Alors ? Même si un éventail de textes est en place, des ombres persistent.
Ici, les associations de défense de consommateurs agréées peuvent, éventuellement,
porter plainte au pénal mais ne peuvent pas agir au civil… « alors que
la plupart des actions se font au civil en appui d’une action d’un
consommateur », note un spécialiste. La raison : une
délibération du Congrès donnant cette possibilité à l’image de la loi en
Métropole, n’a toujours pas été prise. En outre, le code monétaire et
financier, pour sa majeure partie, est de la compétence de l’État, « mais
des bouts de textes ou des arrêtés ne sont pas appliqués ».
Exemple : le plafonnement ou non par les banques des frais pour chèques
sans provision. « Il y a un doute sur le territoire » pointe
un observateur. « Ou plutôt un flou juridique ». La
problématique est, de fait, difficile à étudier.
Le consommateur vis-à-vis de
son acte d’achat est-il bien protégé ? « Il n’est pas sûr qu’il
le soit contre tous les moyens ». Est soulignée l’ambiguïté autour de
l’application du code des assurances. La Nouvelle-Calédonie est compétente sur
ce terrain. Toutefois, des textes manquent, semble-t-il. Les références bougent
également, changent, évoluent… et questionnent au final. Comme pour les achats
réalisés sur internet. Quelle est la loi applicable ?
Le chiffre : 5 484
Le nombre de personnes
physiques en interdiction bancaire est évalué, selon le dernier relevé de
l’IEOM, à 5 484. Soit 5 % des actifs environ.
Repères
Définition
Au regard du code national
de la consommation et de son article L330-1, « la situation de
surendettement des personnes physiques est caractérisée par l’impossibilité
manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses
dettes non professionnelles exigibles et à échoir ».
Les origines de la
dette
Selon des professionnels du
monde bancaire, l’origine de l’endettement voire du surendettement est à
trouver du côté des accidents de la vie (perte d’un emploi, divorce, décès…)
dans 50 % des cas, d’une mauvaise gestion et des excès pour 40 %,
enfin des arnaques pour 10 %.
Basse quotité
cessible
En Nouvelle-Calédonie, la quotité
cessible, c’est-à-dire la part du salaire net déterminée par un barème qui peut
faire l’objet d’une cession ou d’une saisie, est beaucoup plus basse - de 25 à
30 % - qu’en Métropole. Par ricochet, des plans de financement qui ne
« passeraient » pas dans l’Hexagone, sont acceptés ici.
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