Que vaut vraiment notre système éducatif ?
Le système éducatif calédonien a des atouts, mais aussi des faiblesses en termes de concertation, d’auto-évaluation, d’offres de formation… Il lui faut passer d’une logique de gestion à une logique de résultats. C’est le constat fait par deux experts mandatés par l’ancien gouvernement.
Les Nouvelles Calédoniennes - 22/10/09
Dans le cadre de la préparation du transfert de compétence de l’enseignement,
le président du gouvernement a évoqué à plusieurs reprises la réalisation à
venir d’un audit indépendant de notre système éducatif, pour le primaire comme
pour le secondaire, dans le public comme dans le privé. Il nourrira le grand
débat territorial sur l’école à mener en 2010, avant l’adoption en 2011 d’une
loi d’orientation et de programme fixant le cap à suivre après transfert,
proposé par le gouvernement au 1er janvier 2012.
Or un tel audit existe déjà, et mériterait d’être largement diffusé pour
nourrir la réflexion. Il a été commandé par le gouvernement Martin en janvier
dernier, et a été mené par Yves Guerin et Joseph Mulet, deux experts de
l’association Pour la promotion de l’éducation, Pro Ed.
« L’école calédonienne doit devenir le creuset du
destin commun »
Il avait un double objectif : « Réaliser un diagnostic du système
éducatif actuel, 1er et 2nd degré public et privé, en identifiant clairement
ses forces et ses faiblesses », et proposer des préconisations sur
son organisation à venir, tant du point de vue de la coordination des
différentes collectivités intervenantes que des « orientations et des
adaptations pédagogiques à développer pour une meilleure réussite scolaire »,
en envisageant « les expérimentations à conduire, les outils
d’évaluation et les indicateurs de suivi indispensables au pilotage de
l’ensemble. »
Les deux experts sont venus deux fois en Nouvelle-Calédonie, en avril-mai sous
le gouvernement Martin, et en juillet sous le gouvernement Gomès. Ils ont remis
leur rapport définitif le 2 août, et leur travail, que le gouvernement souhaite
faire reprendre, n’a tout de même pas été inutile puisqu’un certain nombre de
leurs propositions figurent dans le discours de politique générale, notamment
celle sur les « contrats de réussite » pour les élèves de
troisième. Les experts en proposaient 400, Philippe Gomès a arrondi à mille.
Ambition démesurée ? En tout cas la marque d’un homme qui considère que « les
inégalités scolaires sont la matrice des inégalités sociales », que « l’école
calédonienne doit devenir le creuset du destin commun » et qu’il
compte s’y « impliquer personnellement ».
Henri Lepot
Les recommandations des experts
Ils ont centré leur travail d’expertise sur l’offre
de formation, le parc immobilier et les équipements, la situation des
personnels, les performances des élèves et la qualité de l’enseignement.
Les experts ont abordé chaque thème sous l’angle des atouts et des handicaps,
donc des défis à relever. Et ils ont, sur les cinq pages de conclusions de leur
rapport de 90 pages, formulé des « recommandations propres à
construire une véritable politique éducative ».
Sur l’amélioration, les experts recommandent de mettre en
œuvre une politique de développement de la culture mélanésienne, et surtout un
projet d’amélioration des pratiques pédagogiques. Ils rangent sous cette
appellation plusieurs propositions visant à « faire de la maîtrise de
la langue orale et écrite la priorité de l’enseignement élémentaire »,
et suggèrent de « développer une politique de qualité des
internats ».
Sur l’évaluation du système, ils proposent en interne de faire
de l’évaluation une « pratique pédagogique à part entière »,
avec des objectifs mesurables, et de « varier les évaluations
(évaluation diagnostic par les maîtres, évaluation bilan par la Denc,
évaluation sixième construite conjointement par les deux niveaux
d’enseignement). » En externe, ils suggèrent de reformuler les
missions des inspecteurs, des conseillers pédagogiques et des directeurs, et
insistent sur la nécessité de « s’assurer de la cohérence des
objectifs éducatifs avec ceux de la Métropole sans pour autant négliger les
spécificités calédoniennes. »
Sur l’offre de formation, les experts proposent à la Calédonie
de se fixer des objectifs à moyen terme (passer de 42 à 64 % d’une classe
d’âge titulaire du bac, dont 50 % en bac général et technologique), de
multiplier les passerelles d’orientations, de lancer une opération « promotion
pour 400 jeunes » (accompagnement des bons élèves issus de milieux
défavorisés) et d’organiser des Assises de l’enseignement technique et
professionnel.
Sur le pilotage, Yves Guerin et Joseph Mulet recommandent
de « passer d’une logique de gestion à une logique de pilotage prospectif
et volontariste », appuyée sur les résultats et non sur les moyens. Ils
suggèrent d’établir un schéma prévisionnel des formations, ainsi qu’un plan
d’action pédagogique.
Sur la concertation institutionnalisée, ils proposent deux
créations. D’abord un « Haut Conseil de l’éducation », instance non
partisane et de consensus, chargé de susciter des projets de réforme, d’en
suivre et d’en évaluer les conséquences. Il s’appuierait sur un « Observatoire
des formations », chargé de recueillir et de traiter dans l’objectivité
les données relatives au fonctionnement du système éducatif. La seconde
création serait un « Conseil de l’éducation pour la Nouvelle-Calédonie »,
force de concertation auquel le gouvernement soumettrait ses projets pour avis,
et qui rassemblerait des responsables de la formation initiale autant que
continue, des représentants des corps constitués, des élus, des parents et des
organisations syndicales. A l’échelon du terrain, les experts proposent de
transformer les actuels bassins en « zones d’éducation concertée »,
coordonnées par des « Conseils de zone ».
Sur la préparation de l’après-transfert, enfin, ils suggèrent
trois scénarios de coexistence des structures Etat et Nouvelle-Calédonie
associées dans la gestion future de la compétence. Un, « maintien
d’une Direction de l’enseignement de la Nouvelle-Calédonie plus efficiente et
création d’une Direction des enseignements secondaires ». Deux, « création
d’une Direction des enseignements avec un volet enseignement primaire, un volet
enseignement secondaire et un volet à constituer éventuellement pour accueillir
l’enseignement supérieur ». Et enfin trois, « dans la
perspective d’une formation tout au long de la vie, création d’une Direction
générale des formations qui engloberait la Direction des enseignements et la
Direction de la formation professionnelle continue ».
Le chiffre : 73 000
C’est le nombre d’élèves et étudiants accueillis dans le réseau éducation, soit presque le tiers de la population calédonienne.
Un regard sur le primaire
En conclusion de leur étude sur les performances des élèves
et la qualité de l’enseignement dans le 1er degré, les missionnaires de Pro Ed
estiment que « rien ne permet de dire que la qualité de l’enseignement
primaire a baissé, mais rien ne permet d’affirmer que, malgré un accroissement
spectaculaire des moyens, les performances des élèves se sont améliorées dans
la même proportion. Ce constat conduit à s’interroger fortement sur les
modalités du pilotage et de la coordination : on attend de la DENC qu’elle
dégage des priorités et mobilise les IEP (inspecteurs de l’enseignement
primaire) et les conseillers pédagogiques pour la réalisation de ces
objectifs. »
Par ailleurs, estiment les experts, « le rapprochement de
l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire facilitera une approche
plus globale de l’évaluation et une mise en place coordonnée du socle commun
des connaissances et des compétences. Dès l’école primaire, les maîtres
prendront plus aisément conscience du fait qu’ils participent à la formation
des adultes et des citoyens de demain ».
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