Regonflés à bloc
Les Nouvelles Calédoniennes. Publié le samedi 26 mai 2012 à 03H00
Près de 400 jeunes ont participé à ce deuxième Congrès de la jeunesse kanak, à Lifou.
Le deuxième congrès de la jeunesse kanak, à la tribu de Luecila, à Lifou, a dépassé les espérances des organisateurs. Joseph Nekare, sénateur coutumier et président de la commission jeunesse, en avait les larmes aux yeux pour le discours de clôture.
Richesse. « Au début, j'étais très inquiet. Vous ne parliez pas beaucoup et nous, les anciens, beaucoup trop. C'était pesant et je me suis dit, ça va être encore une grand-messe, une de plus. Et puis, en milieu de semaine, il y eu les travaux par aire, entre vous, et là, j'ai été impressionné par la richesse des discussions et touché par vos soucis et cette envie de s'en sortir. » Le sénateur avoue même avoir apprécié que certains jeunes aient interpellé vivement les anciens pour qu'ils les laissent s'exprimer. « Ils ont raison, c'est vrai que souvent on ne leur fait pas confiance, notre mode de fonctionnement est ainsi », regrette-t-il, très ému. Avancées. Outre les grandes discussions sur la place du jeune dans la société kanak, mais aussi dans la construction du pays, à Lifou, il y a eu de grandes avancées. « Nous voulions les interpeller dans leur conscience. il fallait aller au fond des choses et parler de leurs responsabilités, de leurs devoirs, pour qu'ils puissent garder ou gagner leur dignité, précise Adèle Buama, formatrice. Qu'est ce qu'être Kanak au XXIe siècle ? Ça exige des compétences, des aptitudes, des connaissances. J'ai beaucoup insisté sur le savoir-être parce qu'il faut qu'ils se construisent. »
Priorité. Loin de porter un discours sectaire ou même raciste, les intervenants ont insisté sur le fait que pour comprendre l'autre, pour trouver sa place dans cette société multiculturelle,
il fallait qu'ils maîtrisent leur culture, pour s'insérer ne serait-ce que dans le monde de l’emploi. C'est donc ce travail qui va être d'abord réalisé par les jeunes avec, pour certains, la mise en place très rapidement de conseils de jeunes au sein de leur aire respective. Un exercice difficile, puisqu'il va falloir trouver les personnes ressources, créer des partenariats avec les coutumiers, mais aussi avec les institutions du pays, une manière de les former à aller vers les autres. « Nous ne savions pas quelles seraient les suites après le congrès, mais déjà, mi-juin, certaines aires seront en discussion pour structurer leur conseil de jeunes, explique Samuel Goromido, le président du Sénat coutumier. La jeunesse est notre priorité. » Pour que ce travail ne s'arrête pas à Luecila, le Sénat coutumier a rédigé et lu la première déclaration pour la jeunesse kanak de Nouvelle-Calédonie. Rendez-vous en 2013 à Nengoné pour savoir si elle aura été suivie d’effets…
Qu'est-ce que vous retenez de ce deuxième congrès ?
Jurgen, Hoot ma Whaap. « La confiance des vieux ».« Pour moi, le point fort, c'est la mise en place du comité de l'aire. Les vieux nous ont fait confiance à Koumac et c'est important. Nous avons pu rassembler les jeunes de chaque village, pour créer ce comité qui va nous permettre de travailler ensemble avant la création du conseil de l'aire. Il va falloir aller chercher les plus réticents, les jeunes qui sont à la marge dans chaque chefferie et en petit comité c'est plus facile de les toucher. »
Flory, Xaracuu. « Les moyens de s’affirmer ».
« Les intervenants m'ont motivée, ils nous ont prouvé que nous avions les moyens de nous affirmer dans le conseil des jeunes. C'est bien, car il y a beaucoup de chefferies où les jeunes ne sont pas écoutés, entendus par les coutumiers. Certains ont peur de s'exprimer à cause de leur rang dans le clan. Chez nous, à Thio, il y a trop de vols, de violence, mais les jeunes sont mis de côté et il n’y aucune animation. »
Sylvaine, Iaai. « J’ai beaucoup appris ».
« Avant tout, j'ai beaucoup appris sur mes racines, sur la culture kanak, la coutume et surtout le droit. Les discussions ont été constructives tant avec les intervenants, les professionnels, les formateurs, les coutumiers, qu'entre nous. Ça regonfle. C'était une première pour moi et je me sentirai plus à l'aise pour prendre la parole. Au fil du temps je pourrai aller discuter avec les autres jeunes, porter le message. »
Ambroise, Drubea-Kapume. « La libération de la parole ».
« Ce qui m'a surpris, c'est la libération de la parole. On voit bien que beaucoup d'entre nous ont des choses à dire, mais, dans la vie de tous les jours, ils se renferment car ils n'ont pas d'espace pour cela. Les moments forts, ce sont les discussions entre nous. On se connaît de vue, on se croise en ville, mais on se parle rarement. Là, on a appris à se connaître, le lien est fait. Il faut vraiment partager ce nouvel élan. »
Ludovic Lafon
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