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Tension sur le câble Spin

 

Soutenu autrefois par l’équipe d’Harold Martin, le projet privé de câble sous-marin Spin (South Pacific islands network), censé sécuriser nos liaisons avec le reste du monde, ne semble plus avoir les faveurs du gouvernement de Philippe Gomès. Les discussions autour du projet s’annoncent tendues.

Si tous les acteurs refusent à l’heure actuelle le terme de « polémique », un différend sensible s’est fait jour au cœur de notre économie numérique. « Cordon » entre les deux câbles Gondwana (Australie/Calédonie) et Honotua (Papeete/Hawaï), l’objet de la discorde se nomme Spin (South Pacific islands network). Un câble sous-marin porté par une société privée, Spin SAS. Un segment de cette autoroute numérique est également prévu de Nouméa à Auckland. Selon son promoteur Rémi Galasso, l’idée - présentée pour la première fois en octobre 2007 à Tonga lors du Forum du Pacifique - pèse aujourd’hui 120 millions d’euros, soit environ 14 milliards de francs. Si l’exécutif de la Polynésie française a approuvé dans le passé une participation de 360 millions de francs, la Nouvelle-Calédonie a réservé sa position sur l’entrée dans le capital de l’entreprise. Une position encore plus affirmée aujourd’hui.

L’équipe de Philippe Gomès veut en effet tout remettre à plat. Dans un but : revoir le mode de participation de la Calédonie. « Les gouvernements national et local sont d’accord sur un projet de câble sous-marin, mais avec un portage public et non pas privé », note Bernard Deladrière, en charge de l’économie numérique. Car le dispositif envisagé, visant « essentiellement » une « sécurisation de Gondwana pour la Nouvelle-Calédonie », reposerait sur deux piliers économiques : la défiscalisation tricolore - « quand l’Etat s’engage dans des projets de cette importance-là, il souhaite que l’affaire soit maîtrisée par la puissance publique » - et les contrats d’achat de capacité des Offices des postes et télécommunications, polynésien ainsi que calédonien, les OPT, « des établissements publics ». Du côté du gouvernement, la balance pencherait donc pour un projet maîtrisé par la puissance publique.

« Au gouvernement, la balance pencherait pour un projet maîtrisé par la puissance publique. »

Chez Spin, on continue de croire dans l’initiative privée, tout en ouvrant le capital au public. Pour Rémi Galasso, « une entreprise privée peut plus facilement se battre qu’un établissement public contraint à des règles administratives trop lourdes et inadaptées aux marchés internationaux ». Le promoteur de Spin compte notamment sur la faculté de vendre de la capacité aux Australiens et aux Néo-Zélandais. Des contrats qui pourraient, d’après le dirigeant, agir à la baisse sur les prix de l’internet. Bref, il existe aujourd’hui deux schémas assez éloignés l’un de l’autre. Et puis il y a un certain nombre d’engage­ments. Ainsi, en 2008, les présidents de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française de l’époque, Harold Martin et Gaston Tong Sang, avaient signé un protocole d’intention pour une « participation au projet de câble sous-marin trans-Pacifique Spin ». Cette initiative avait encouragé les équipes de Spin à engager des études pour une somme aujourd’hui chiffrée, semble-t-il, à 230 millions de francs. Finalement pour rien ? Il ne serait pas étonnant que la discussion se poursuive, un jour, sur le terrain judiciaire. Reste à savoir ce que vaudra réellement devant les tribunaux un document « d’intention ».

Enfin, il faut reconnaître que ce dossier resurgit dans un climat pour le moins tendu avec les affaires de fraude à la défisc’ à Wallis-et-Futuna, région où est basée la société Spin… « Nous n’y sommes pas du tout liés, ni de près ni de loin », rassure Rémi Galasso. « Nous ne sommes pas inquiets. Et Bercy (ministère des Finances) ne nous a fait aucune remarque sur le choix de Wallis pour l’implantation. » Conscient du caractère stratégique du projet, Paris veut voir clair. Selon Bernard Deladrière, l’Agence française de développement a été chargée par le gouvernement français d’une expertise sur le programme de câble régional. La réflexion portera sur le montage juridique, le modèle économique, le financement… L’AFD a jusqu’au mois de mai pour rédiger ses propositions. Du numérique certes, mais difficile de ne pas imaginer le politique en arrière-plan. Soutenu autrefois par Harold Martin, désormais président du conseil d’administration de l’OPT, le projet Spin n’est plus sur les bonnes étagères du gouvernement. Décidément, l’Entente républicaine va bien…

 

Yann Mainguet

LNC, 07 avril 2010



« C’est une décision politique »

Questions à… Philippe Minel, directeur général par intérim de l’OPT de Calédonie.

Les Nouvelles calédoniennes : Comment l’OPT se positionne-t-il sur le projet de câble sous-marin, ballotté entre l’initiative privée Spin et la volonté du gouvernement ?
Philippe Minel :
Nous avions un besoin de transport haut débit, mais aussi d’augmenter les capacités sur l’international. N’ayant pas pu être raccordés à des câbles privés, nous avons mené notre propre projet entre Sydney et Nouméa (Gondwana). Cette liaison n’est toutefois pas secourue (pas sécurisée). Elle l’est uniquement à hauteur de 10 % des capacités par voie satellitaire. C’est pourquoi il nous faut rapidement une sécurisation par câble sous-marin. Le projet Spin existe. Et la question que nous nous posons à son sujet est la suivante : « A quel prix pourrait-on nous vendre de la capacité sur ce projet Spin pour rejoindre Tahiti et les États-Unis ? Et nous, Office, vendrions-nous de la capacité à Spin pour passer sur Gondwana et ainsi rejoindre l’Australie ? »

 

Qu’en est-il du montage financier de l’opération ?
Le montage financier, le tour de table, le consortium… C’est une question à poser aux élus, une décision politique.

 

Harold Martin, qui a soutenu le projet Spin, est aujourd’hui président du conseil d’administration de l’OPT. L’équipe de Philippe Gomès veut aller dans une autre direction. L’OPT n’est-il pas en porte-à-faux ?

Non. Nous irons sur le câble, qu’il soit privé ou public. Une nouvelle fois, c’est une décision politique. Pour le moment, il n’y a pas de difficulté. Ce n’est qu’à l’état de projet.

 

Gondwana est aujourd’hui totalement sous-utilisé. Pouvez-vous programmer une évolution ?

Un câble est posé pour vingt-cinq ou trente ans. Il est normal qu’au début, il soit sous-utilisé. Avec l’extension de l’ADSL et du haut débit sur le territoire, les demandes vont je pense croître et on le voit, elles sont exponentielles. C’est sûr, la capacité du câble ne va qu’augmenter au fur et à mesure du temps.

 

8 400   

Né d’une initiative privée, le projet South Pacific islands network est composé de deux branches totalisant 8 400 kilomètres : une section de Nouméa à Auckland (1 900 km) ; et une liaison numérique (6 500 km) entre Nouméa et Tahiti — l’axe principal - constituée d’une paire de fibres, et forte d’une capacité de 640 gigabits.

 

Repères   

« Caduc »

La société Spin a lancé un appel d’offres en juin 2008 à l’issue duquel Alcatel-Lucent a été retenue comme fournisseur du contrat. Contrat qui a été signé en juillet 2009 « pendant le sommet France-Océanie ». L’accord devait entrer en vigueur avant le 30 janvier 2010. Faute notamment de consensus avec le gouvernement calédonien, le temps s’est écoulé. Donc « le contrat signé avec Alcatel est caduc ». Aujourd’hui, Spin relance la consultation auprès de différents constructeurs.

 

Pour les Jeux

« Enjeu considérable » selon Bernard Deladrière, le passage à la 3G est prévu pour les Jeux du Pacifique en septembre 2011. Voilà l’objectif du gouvernement. Ce dispositif permettra aux personnes qui disposent notamment d’iPhone ou de BlackBerry, de pouvoir consulter leurs mails. Avant, plus tard, de passer « à la 4G, avec des débits plus importants ».



07/04/2010
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