Un drapeau commun vendu au marché
Des dixaines de tee-shirts et d'autocollants ont été vendus par le Collectif pour un drapeau commun, ce week-end, au marché de Nouméa. L'idée a plu.
Garé à la lisière du parking, bien à l'ombre, le Ford Ranger n'est pas très voyant. « Vous auriez dû vous mettre devant, les gens ne vous voient pas », lance une cliente à Stéphane Hénoque, membre du collectif pour un drapeau commun, président de l'association Convergence pays. « On préfère (ici), on ne veut pas se faire virer », répond le vendeur d'un jour, affairé à trouver des tee-shirts gris entre les piles de tricots rouges qui débordent de la benne. « Sept ? Trois mille cinq cent francs ». Quatre billets de mille sortent du sac, puis la main de la cliente se ferme, au moment de recevoir la monnaie. « C'est pour la cause ? Merci. »
En quatre heures (deux samedi et deux dimanche), 160 tee-shirts partiront, à 500 francs la pièce, ainsi que des dizaines d'autocollants, aux couleurs du drapeau commun imaginé par le collectif.
Un concours a été lancé sur internet et un motif a été sélectionné. Le résultat est un nautile, « symbole qui appartient à tout le monde », posé devant une flèche faîtière et un pin colonnaire. Le tout sur fond gris, « mélange du blanc et du noir », entre deux bandes rouges, « le sang versé par les deux camps ». « Ce n'est qu'une proposition, c'est pour lancer le débat », précise Julie Régent, animatrice du collectif. Pari gagné, de ce point de vue, puisque les discussions se sont succédé autour du pick-up.
Des points modérés, parfois. « On veut que ce soit les gens du peuple qui décident, pas les hommes politiques », lance Kikou, 49 ans. « Je suis contre le fait que Pierre Frogier lève deux drapeaux. Notre pays, c'est pas les Blancs d'un côté et les Noirs de l'autre », poursuit Serge, 54 ans. « Et le drapeau du combat kanak n'est pas mon étendard, c'est tout. »
On veut un débat, ce qu'on n'a pas eu.
On veut un débat, ce qu'on n'a pas eu.
« C'est l'État qui s'assoit sur son propre accord de Nouméa », relance Édouard, habillé d'une veste aux couleurs de la Calédonie sportive (gris et rouge, les couleurs arborées aux Jeux du Pacifique). « Les drapeaux, c'est à l'image du reste : la fiscalité, le tourisme, les hôtels en défisc'», renchérit Stéphane Hénocque entre deux ventes, et deux compliments (« continuez, courage »).
A d'autres moments, les positions étaient plus radicales, échauffées par l'esprit de groupe. « J'en ai marre de me faire bananer par les hommes politiques », éclate Françoise, la soixantaine, de Magenta. « Ils ne pensent qu'à s'en mettre dans les poches, puis ils baissent leur pantalon : l'accord de Nouméa, le gel du corps électoral, maintenant les deux drapeaux. On n'arrête pas de faire des concessions, ça suffit. »
« Le drapeau bleu-blanc-rouge, j'en ai rien à f...», tranche Patrick, Métro installé de longue date. « La France, c'est devenu un pays de Roms, d'Africains et d'Arabes, je n'y retournerai pas (...) Je suis pour le destin commun ici, mais pas sous un drapeau taché de sang. »
« Nous ne faisons pas de politique », précise Stéphane Hénocque à ceux qui les prendraient pour un groupe de durs de durs. « On veut un débat, ce qu'on n'a pas eu. » Durs ou souples, ils étaient quelques-uns, dimanche au marché, à penser la même chose.
Marc Baltzer
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