Une femme sur quatre victime de violence
En 2010, deux femmes et une enfant ont été tuées chez elle, victimes de violences conjugales. Ces drames ont secoué la Calédonie qui ouvre un peu plus les yeux sur la nécessité de lutter contre ce véritable fléau.
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C’est le nombre d’auteurs de violences conjugales adressés vers le Relais par le tribunal, depuis le début de l’année. 123 d’entre eux ont été réellement suivis, les autres ayant refusé. Cette prise en charge des auteurs de violences ne cesse de se conforter depuis la mise en place du dispositif en 2008 : 53 auteurs avaient été adressés, dont 43 gérés. Le principe de cette alternative à la prison est la réparation plutôt que la punition.
Jacinthe, Maryline et Edena. Ces deux femmes et cette enfant sont mortes cette année sous les coups d’un concubin violent. Il n’y a pas de degrés dans l’horreur de ces drames conjugaux. Mais la petite Edena avait 8 ans lorsqu’elle et sa mère ont été poignardées par un homme qui partageait de temps en temps leur vie. Edena y a laissé la sienne. Sa maman s’en est sortie, mais dans quel état de détresse.
Cette année 2010 aura peut-être une seule conséquence positive : celle de servir d’électrochoc. « Cet effet de choc, de traumatisme a eu lieu, acquiesce Gisèle Oudaré, responsable de la Mission de la femme de la province Nord. Dans de nombreuses communes, les familles réagissent et lancent des idées. Et quand je dis familles, je parle des femmes mais aussi des hommes. Je les ai entendus lors des cérémonies de deuil. Ils ont été très choqués. »
Symptômes. La famille de Jacinthe, 24 ans, tombée le 10 octobre dernier sous les coups de son compagnon à Voh, organise une marche le 4 décembre prochain pour dire tout haut que ces violences sont inacceptables. Lifou et Maré se sont mobilisées dès hier. S’il prend de la force et de l’ampleur, ce refus des citoyens pourrait pousser à l’adoption d’une véritable politique territoriale de lutte.
Du Nord au Sud, la violence n’a pas de frontière.
Du Nord au Sud, la violence n’a pas de frontière.
Une femme sur quatre est victime de violences. C’est un chiffre dramatique, face auxquels les moyens de réponse sont insuffisants. L’effort d’écoute et de prise en charge repose essentiellement sur les provinces. Il n’existe qu’un seul centre de traitement des violences conjugales et intrafamiliales : le Relais, situé à Nouméa. Il tourne à plein, avec 500 situations suivies depuis le début de l’année.
Le Relais a la particularité de s’occuper des victimes mais aussi des auteurs des violences. « En s’occupant simplement des victimes, on ne traitera pas le problème. Il faut aussi s’occuper des symptômes », prévient Marie-Paule Robert, responsable du Relais.
En lien avec le Relais, la Maison de la femme de Nouméa a, depuis deux ans, développé sa capacité d’écoute et d’orientation des victimes de violences, en leur offrant un espace neutre, confidentiel, avec un personnel formé à ces situations dramatiques.
Maillage. Marie-Paule Robert et Marie-Madeleine Lequatre, responsable de la Maison de la femme de la province Sud, désignent toutes deux les violences faites aux femmes comme « un problème de santé publique ». « Les violences conjugales ont été évoquées dans toutes les consultations que nous avons menées lors de nos états généraux de la femme », souligne Marie-Madeleine Lequatre. « La violence n’a pas de frontière », reprend en écho son homologue du Nord, Gisèle Oudaré.
Face à ce fléau, les acteurs de terrain plaident pour un maillage du territoire. Pour que, partout, les lieux d’écoute et de prise en charge soient multipliés et fondés sur une collaboration entre les professionnels qui connaissent cette violence : gendarmerie, police, avocats, travailleurs sociaux, médecins, associations, employeurs, etc. Briser le silence est un premier pas.
Bérengère Nauleau
L’alcool est un déclencheur, il n’explique pas
« C’est pas de ma faute, c’est parce que j’avais bu. » Ils sont nombreux au tribunal à vouloir expliquer leur violence par ce seul argument. « L’alcool est un déclencheur de la violence, mais les vraies raisons sont sociologiques et familiales », pose Marie-Paule Robert, responsable du Relais. « En Nouvelle-Calédonie, la violence a un aspect sociétal parce qu’on vit dans une société qui favorise la domination masculine. On élève les garçons en leur disant qu’ils doivent être forts, décrit Marie-Madeleine Lequatre. A cela s’ajoutent les violences nées de situations individuelles : un modèle familial violent, des blessures de l’enfance, etc. »
Le but de la prévention est d’expliquer qu’il ne faut pas banaliser les actes de violence. Que cette violence, qu’elle soit physique, psychologique ou sexuelle, n’est pas normale et est punie par la loi. Cette information s’adresse à tout le monde, aux hommes comme aux femmes, aux riches comme aux pauvres. Personne n’est à l’abri de violences conjugales.
Repères
Marches contre les violences
- Le 27 novembre : la province Nord organise une marche-relais. Accueil des délégations à 6 heures au terrain de foot la tribu de Pagou à Koumac. Départ à 7 heures. Repas et conférence-débat à l’arrivée à Témala, sur le site du Centre d’accueil des femmes dont les travaux s’achèvent (ancienne poste).
- Le 4 décembre : marche organisée par la famille de Jacinthe Whaap. Accueil à la mairie de Koumac à 8 heures. Départ à 9 heures. Dépôt de gerbe sur la tombe de Jacinthe à 10h30, suivi d’un repas et d’un débat sur les actions menées dans le Nord.
Contacts
La Maison de la femme : 25 20 47. Au 14 rue Frédéric-Surleau, à Nouméa
Le Relais, centre de traitement des violences conjugales et intrafamiliales : 23 26 26, même adresse.
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