Un Œil inquiet sur le récif
Les étudiants en environnement et métallurgie de l’université de Nouvelle-Calédonie se sont rendus, mercredi dernier sous la conduite de l’Observatoire de l’environnement (l’Œil), sur le récif corallien de Plum afin d’apprendre à évaluer son état. En mauvaise santé, il pose la question de la gestion des activités humaines, notamment sur le littoral du Grand Nouméa.
Les
pieds dans l’eau, le nez sur le platier. Mercredi dernier, les
étudiants en DU Environnement et en DEUST Métallurgie ont découvert un
amphi insolite : le récif frangeant de Plum. Sujet du jour : comment
évaluer l’impact de la sédimentation sur les récifs ? Organisée par
l’Observatoire de l’environnement (L’Œil), cette sortie pédagogique
avait pour but d’apprendre à évaluer la santé d’un récif frangeant. En
l’occurrence, celle de ce platier du Grand Sud, peu à peu étouffée par
les sédiments venant des bassins versants visiblement érodés, est
médiocre. « On ne voit rien, on marche plus sur du corail mort qu’autre chose », se désole Romain. « Je ne pensais pas que l’activité humaine était à l’origine de ça : on a un beau lagon mais faut pas abuser », lance Guillaume, lui aussi en DEUST Métallurgie.
Ils
sont une petite trentaine à faire ce triste constat. Sur une centaine
de mètres après le bord de mer, peu d’êtres vivent dans cette eau
trouble et vaseuse. L’endroit a justement été choisi pour ça par les
scientifiques de l’Œil. « L’idée n’est pas d’en faire des spécialistes mais de les sensibiliser à cette réalité
», pose Yves Letourneur, enseignant du DEUST Métallurgie. C’est que ses
étudiants ont vocation à travailler dans l’industrie minière et un
petit aperçu des dégâts qu’elle a pu causer n’est pas futile. Pas moins
que pour les étudiants en environnement, dont six seront des techniciens
environnementaux à Vale Enco, comme prévu dans le cadre du Pacte
développement durable signé entre les populations locales et Goro Nikel
(à l’époque). « C’est très enrichissant de voir sur le terrain ce qu’on a appris en cours, note Maxime. C’est bien de comprendre et de réfléchir ensemble, il faut penser aux générations futures. »
On ne voit rien, on marche plus sur du corail mort qu’autre chose.
On ne voit rien, on marche plus sur du corail mort qu’autre chose.
A l’aide de trois méthodes de suivi environnemental (le LIT, le
Coral-Watch et le comptage macro-invertébrés), les étudiants ont passé
plusieurs heures à scruter, comptabiliser les espèces vivant encore sur
le récif. La technique dite du Coral-Watch, consiste par exemple à
relever à l’aide d’un décamètre le pourcentage de corail vivant, mort,
de débris, d’algues… « En vulgarisant, explique Maël Imirizaldu, chargé d’études à l’Œil, plus
le corail est clair, moins il est en bonne santé. Sur une quinzaine de
colonies, l’objectif est d’avoir une vision globale du récif et de la
comparer ensuite aux relevés que nous avons sur des récifs en bonne
santé. »
Ici, peu de trocas, bêches de mer, bénitiers et autres anciens habitants du platier. « Le but n’est pas de montrer du doigt l’activité minière mais l’impact d’une activité humaine mal gérée. »
Activité minière, mais aussi mauvais aménagement, incendies, espèces
envahissantes, pratiques culturales et de pêche, les causes des
dégradations des bassins versants sont plurielles. « Les solutions,
reprend Yves Letourneur, passent par la prise de conscience des gens. Ce
résultat n’est pas forcément la conséquence de ce qui se passe
maintenant mais de ce qui s’est passé il y a dix, quinze, vingt ans. Si
on n’a pas l’historique, on ne peut pas forcément comprendre », poursuit
l’enseignant, soulignant la vocation purement pédagogique de ces
travaux. « C’est important qu’ils voient à quoi correspond un récif abîmé. »
Ils
ont vu et repartent quelque peu touchés. « Je suis venue en Calédonie
pour ses paysages magnifiques et sa biodiversité hors du commun,
commente Fany. Je trouve dommage de ne pas faire plus attention que ça.
Je vais travailler dans un domaine qui abîme pas mal l’environnement
alors c’est intéressant de ne pas se contenter d’être des employés sans
connaissances. » Mission accomplie.
Christophe Castieau
« Un habitat extraordinaire »
Questions à… Matthieu Juncker, directeur de l’Œil.
- Les Nouvelles calédoniennes : Dans quel état est le récif calédonien ?
Matthieu Junker : Essentiellement en raison de la faible densité de population, il est globalement en bonne santé. Ponctuellement, sur certains versants comme ici, il souffre. Et le Grand Nouméa en fait partie, par les aménagements sur le littoral, l’érosion…
- L’homme est-il le principal responsable ?
L’érosion est un phénomène naturel, la baie de Prony est d’ailleurs naturellement trouble. Mais c’est largement favorisé par les activités humaines de défrichement : feu, mine, introduction du cerf… Sur une érosion naturelle, que le lagon arrive à gérer, on tombe sur des situations catastrophiques à cause du cumul des perturbations. Le récif n’arrive plus à résister et finit par rendre l’âme.
- Y a-t-il des solutions ?
L’Œil a vocation à suivre l’évolution de l’environnement, sans porter d’avis. Sur des bases scientifiques, il estime qu’il y a dégradation. Aux autorités de prendre leurs responsabilités. On pense cependant que des mesures préventives sont à prendre plutôt que de constater les dégâts. Il suffirait d’un assainissement fonctionnel, une agriculture raisonnée et une érosion contrôlée pour qu’un récif récupère plus ou moins vite. Ici, j’imagine que les gens venaient pêcher leurs coquillages il y a trente ans. Aujourd’hui, il n’y a que des étudiants constatant les dégâts.
- Au-delà de sa beauté, quelle est l’importance du corail ?
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