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Un jour viendra où le Premier ministre australien sera Aborigène »

 Elu aux dernières élections, Ken Wyatt est le premier aborigène à siéger à la Chambre fédérale des représentants. Rencontre à Perth avec cet ancien instituteur de 58 ans, bien décidé à aller au-delà des symboles et des clivages.
  • Les Nouvelles calédoniennes : Quelle a été votre réaction lors de l’officialisation de votre victoire, en août dernier ?

Ken Wyatt : Un formidable sentiment de reconnaissance pour moi et pour mon peuple. Je reste avant tout le représentant de tous les gens de ma circonscription, mais je sais que ma victoire a été accueillie avec beaucoup de fierté dans l’ensemble des communautés aborigènes du pays. Je ne veux donc pas les décevoir.

  • Ressentez-vous encore plus de responsabilités que vos collègues parlementaires ?

Oui, énormément. Je sais que les attentes me concernant sont très fortes et que je suis observé de très près par le pays en général et encore plus par les communautés aborigènes qui attendent de moi des résultats concrets. Je n’ai pourtant pas l’intention de me concentrer uniquement sur les questions aborigènes. Je n’ai pas été élu pour cela et je pense que c’est un problème national, qui va bien au-delà de la couleur de peau ou des étiquettes politiques.

  • Pourquoi avez-vous été élu, alors ?

Pour contribuer à améliorer l’existence de tous les Australiens et pas seulement celle des Aborigènes. Je compte notamment m’impliquer de très près dans les dossiers de l’Education et de la Santé, sur lesquels j’ai travaillé toute ma vie.
A mon avis, c’est en généralisant l’accès à ces deux droits universels que nous pouvons réellement garantir une vie meilleure à l’ensemble des habitants de ce pays. C’est sur ce point que je compte vraiment me concentrer durant les trois années de mon mandat.

  • Comptez-vous néanmoins participer aux stratégies mises en œuvre pour réduire la fracture entre les Aborigènes et le reste du pays ?

Bien sûr. Si je ne le faisais pas, beaucoup de personnes seraient très déçues et pas seulement au sein des communautés aborigènes. J’espère pouvoir influer sur les décisions du gouvernement, en l’aidant à définir un plan efficace. Les décisions prises jusqu’à maintenant ne permettront pas de faire évoluer les choses de manière favorable. Il faut redéfinir les objectifs, mettre en place un nouvel agenda et surtout faire travailler tout le monde de concert. La solution ne pourra être trouvée que si l’ensemble du pays est impliqué dans la réflexion.

  • Quelles sont les priorités ?

Il faut sortir de la stratégie d’assistanat suivie depuis des décennies par les différents gouvernements, toutes tendances politiques confondues. L’Etat fédéral ne peut pas résoudre tout seul un tel challenge. Il doit impliquer le secteur privé et surtout prendre en compte l’avis même des représentants aborigènes, en choisissant avec soin ses interlocuteurs. Ceux qui parlent réellement pour leur peuple et pas uniquement en leur nom propre. Cela veut dire qu’il faut démarrer de vastes consultations à travers
le pays et auprès de la population.

  • Quelle peut être votre contribution ?

Je n’entends pas être directement impliqué, mais si je peux participer à trouver la solution, alors je le ferai avec plaisir. J’ai déjà parlé avec les anciens dans plusieurs communautés pour savoir comment je peux relayer leur parole au parlement. J’ai également proposé à mes collègues de les aider à nouer le dialogue avec leurs électeurs aborigènes. C’est pour cela que je me suis lancé dans la politique, pour faire bouger les choses, au-delà des modes traditionnels de pensée des partis politiques.

  • Les choses ont déjà beaucoup changé en quelques décennies...

Tout à fait. Ma mère faisait partie de la génération volée et je siège aujourd’hui au parlement fédéral. Cela illustre en effet les bouleversements qu’a connus l’Australie en trente ans. Il reste encore beaucoup de travail à réaliser, mais l’arrivée permanente de cultures différentes en provenance du monde entier a considérablement ouvert la société de ce pays et je suis persuadé qu’un jour viendra où le Premier ministre d’Australie sera Aborigène.

Propos recueillis à Perth par Olivier Caslin

 

 

Neville Bonner, le pionnier

Neville Bonner avait, été, lui, le premier sénateur aborigène, élu de 1971 à 1983 au parlement fédéral. Lorsque Ken Wyatt lui avait demandé s’il n’avait pas peur d’être perçu uniquement comme un symbole, il avait répondu qu’en agissant constamment selon ses idées et ses principes, il n’avait pas laissé l’opportunité aux gens de penser ainsi. C’est l’objectif affiché du nouvel élu aborigène.
En participant aux débats, en s’engageant dans les commissions parlementaires, il compte à son tour faire évoluer les mentalités en Australie.

 


29/11/2010
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