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Universités : après la mobilisation, le difficile bilan du mouvement

Jean-Baptiste Chastand
LEMONDE.FR | 25.05.09 | 17h16  •  Mis à jour le 26.05.09 | 15h39
    
Quatre mois de mobilisation, des universités bloquées plusieurs semaines, des manifestations dans toute la France : rarement mouvement des enseignants-chercheurs aura été aussi dur et aussi long. Mais, alors que la quasi-totalité des blocages ont été levés, et que la question des examens est réglée dans de nombreux établissements, le bilan du mouvement sera certainement long à tirer.

Qu'est ce que le mouvement a obtenu ? Le décret sur le statut des enseignants-chercheurs, point central de la contestation, a fait l'objet d'un compromis dès le 6 mars, signé avec quatre syndicats minoritaires. A nouveau amendé le 25 mars, le nouveau décret a finalement été adopté fin avril en Conseil des ministres.

Il prévoit que la modulation de service d'un enseignant-chercheur (la répartition de son emploi du temps entre enseignement, recherche et activités administratives), qui sera du ressort de l'université, "ne peut être mise en œuvre sans l'accord de l'intéressé". Il prévoit aussi leur évaluation tous les quatre ans par le Conseil national des universités (CNU, composé de pairs). Ce compromis n'a jamais été accepté par la Coordinations nationale des universités ou le Snesup-FSU, syndicat majoritaire chez les enseignants-chercheurs. Ceux-ci réclament toujours son retrait pur et simple.

Deux autres points étaient attaqués par l'ensemble des grévistes : les suppressions de postes dans les universités et la masterisation de la formation des enseignants. Toutes les suppressions prévues en 2010 et 2011 ont été suspendues, mais celles de 2009 ont été maintenues. Sur la masterisation, la réforme a été repoussée à 2011 et des discussions sont en cours sur les modalités. Mais le ministère refuse de revenir sur le principe même de cette réforme, avec notamment la suppression des IUFM.

Dernier point, qui cette fois-ci divisait les syndicats : le retrait de la loi sur l'autonomie des universités, réclamée par le Snesup, la Coordination nationale ou la majorité des étudiants grévistes. La gouvernement a toujours refusé catégoriquement de céder, avec l'appui de plusieurs syndicats minoritaires qui préfèrent demander des "améliorations", à l'image du Sgen-CFDT.

Un bilan qui empêche de désigner un "gagnant" et un "perdant". Stéphane Tassel, secrétaire général du Snesup, préfère d'ailleurs dire que "la mobilisation a forcé le ministère à reculer, même si toutes les revendications n'ont pas encore été satisfaites".

Le gouvernement en sort-il renforcé ou affaibli ? La confiance entre le monde universitaire et sa ministre de tutelle, Valérie Pécresse, semble durablement entamée. Les rumeurs de remaniement la mettent de plus en plus sur la sellette : le nom de Richard Descoings, directeur de Sciences-Po, est évoqué à la tête du ministère de l'éducation et et celui de Claude Allègre pour un "super-ministère" qui incluerait la recherche.

"Le ministère a instrumentalisé les examens" accuse Stéphane Tassel, tout comme la Coordination nationale des université. Valérie Pécresse aurait profité de la crainte des étudiants de perdre leur année pour s'assurer de la fin des blocages, le moyen d'action le plus visible dans les universités.

Au ministère, on nie, sans surprise, toute stratégie de ce type. Et on accuse le mouvement de s'être éteint par lui-même. "Il y avait une minorité qui prenait en otage la majorité" affirme-t-on ainsi au cabinet. "Le ministère a tout fait pour prendre en compte les revendications", explique-t-on, même si l'on admet "quelques maladresses" dans la gestion du mouvement. "Si le ministère a profité des examens pour favoriser le pourrissement, le Snesup porte également sa part de responsabilité avec son refus de négocier", estime de son côté, Thierry Cadart, le secrétaire général du Sgen-CFDT, un des syndicats qui a accepté le nouveau décret sur le statut des enseignants-chercheurs.

Le mouvement peut-il repartir à la rentrée ? Ce mouvement risque de laisser des traces dans les universités, mais il est difficile de prévoir son évolution pour septembre prochain. Pour Thierry Cadart, "il reste de l'amertume". Comme les autres, il estime que la masterisation de la formation des enseignants reste un dossier explosif. Mais il préfère espérer que les discussions actuelles permettront d'aboutir à un projet acceptable, sans avoir à nouveau à recourir à la mobilisation. De leur côté, Sauvons l'université et le Snesup ont également décidé de faire de la masterisation le cœur de leur argumentation. S'ils n'appellent plus au blocage, ils veulent continuer la lutte sous différentes formes.

Une commission nationale, mise en place par le ministère, doit rendre son rapport sur ce dossier... au cœur de l'été. Une manière de s'épargner tout nouveau blocage ? Le ministère nie, assurant qu'il fallait laisser assez de temps à la commission pour travailler. Aucun calendrier pour la mise en place de la réforme n'aurait d'ailleurs été établi assure-t-on également, en se félicitant de l'accord "sur les mesures transitoires" intervenu le 13 mai dernier, qui prévoit le maintien du système actuel pour 2010. Un accord, salué pour une fois par tous les syndicats, Snesup compris.

Mais depuis, les projets de décrets encadrant la masterisation ont été communiqués aux comités techniques paritaires, première étape avant une éventuelle publication. "Une manière de rendre les travaux de la commission totalement caducs" affirme Stéphane Tassel. Il se refuse toutefois à pronostiquer une reprise des blocages pour la rentrée. Les universitaires devraient être rapidement fixés : si le ministère maintient la mise en place de la masterisation pour 2011, il devra en fixer les modalités dès cet automne pour être prêt à temps.



27/05/2009
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