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A la mémoire d’un militant

Publié le lundi 19 septembre 2011 à 03H00 ,Les Nouvelles Calédoniennes.

 

Il y a trente ans jour pour jour, Pierre Declercq était assassiné. Militant engagé, le secrétaire général de l’Union calédonienne était un homme de conviction et de foi. Une commémoration a été organisée hier à La Conception. Elle se poursuit aujourd’hui.
 

Le 19 septembre 1981, Pierre Declercq était assassiné chez lui, dans sa maison du Mont-Dore, atteint de plusieurs balles. Ses assassins n’ont jamais été appréhendés. Trop souvent réduit à la simple étiquette d’indépendantiste, Pierre Declercq était pourtant et avant tout un humaniste et un chrétien.
Né en 1938 à Halluin, dans le nord de la France, il est venu une première fois en Calédonie dans le cadre de la coopération, en tant qu’enseignant au collège du Sacré-Coeur. Après un bref séjour en Métropole pour y achever ses études en sciences physiques, il était de retour à Nouméa en 1967, définitivement. Il s’y est marié l’année suivante.
« Je l’ai connu lors de son deuxième séjour, au moment où il était professeur de physique-chimie dans l’enseignement catholique, se souvient Jean-Pierre Deteix. À l’époque, l’enseignement catholique n’était pas structuré comme il l’est aujourd’hui : il y avait l’enseignement des missions et les écoles de Nouméa. Il avait rencontré des instituteurs et il voyait bien que le niveau de formation était faible. Ses premiers soucis ont été des soucis de militant engagé dans sa profession. »

Travail. Pour pallier l’absence de formation des enseignants du primaire privé, il crée le « Cours Normal » qu’il dirige. Son adjoint est Jean-Pierre Deteix. Il fonde également le Selec, Syndicat des enseignants laïcs de l’Enseignement catholique. Il est également à l’origine de la fondation du lycée Blaise-Pascal dont il prend la direction. Jean-Pierre Deteix est toujours à ses côtés. « J’étais lié aux Foulards rouges, à l’époque, précise ce dernier. J’ai été licencié en décembre 70. » En soutien de son ami, Pierre Declercq démissionne début 71.
Après plusieurs mois de chômage, il trouve un poste de chimiste à l’Institut Pasteur. « Ça a été douloureux pour lui de quitter le contact avec les enseignants pour n’avoir plus que le contact avec les éprouvettes, commente son ami. Je crois que ça a contribué à encore plus le politiser. » L’année précédente, il avait été élu secrétaire adjoint de l’Usoenc. Il est contacté en 1972 par les membres de l’UC. « À l’époque, on nous a toujours reproché d’être ceux qui fomentaient. Pas du tout. On a toujours agi qu’en accompagnement de choses qui se dessinaient par les Kanak. On ne peut pas comprendre Pierre si on ne comprend pas qu’il a toujours été dans cette perspective d’accompagnement », précise encore Jean-Pierre Deteix. « C’était un bosseur. Son travail sur le terrain nous a poussés à reprendre l’UC en mains, rapporte François Burck, ancien président de l’Union Calédonienne. Il nous a appris à travailler, à monter un dossier. C’était un syndicaliste chevronné. »

Indépendance. 1975 sera une date importante pour Pierre Declercq. Il est marqué par la réunion à La Conception des conseillers mélanésiens et des groupes de jeunes Kanak qui adoptent un manifeste pour l’indépendance kanak. Une cause pour laquelle il se battra. « Il avait pris le problème de l’indépendance kanak en main », se souvient François Burck. En 1977, Pierre Declercq est secrétaire général de l’Union calédonienne au congrès de Bourail. Avec lui, Jean-Marie Tjibaou, François Burck, Eloi Machoro, Yeiwene Yeiwene entrent au bureau de l’UC. Il est élu à l’Assemblée territoriale et travaille également à la création du Front indépendantiste. « C’était un visionnaire. Son expérience de militant lui avait donné une longueur d’avance », souligne Jean-Pierre Deteix.
En juillet 1981, il rencontre François Mitterrand, alors président de la République. Une présidence qui effraie beaucoup de monde en Calédonie. « Je pense que Pierre a cristallisé les haines, focalisé les peurs, avance Jean-Pierre Deteix. Ils ont pensé qu’en le tuant, ils allaient arrêter le mouvement. Ils en ont fait le premier “martyr kanak “ ».

Pierre Declercq et l’Union calédonienne

« Pierre Declercq est un pur produit du Mouvement d’union calédonienne et de sa capacité à accepter l’autre, à l’intégrer jusqu’à en faire un chef », explique Olivier Houdan, enseignant et spécialiste de l’histoire de l’UC. Simple adhérent de la section de base du Mont-Dore, Pierre Declercq devient, à force de travail et de maîtrise des dossiers du moment, un militant que l’on écoute puis un délégué que l’on respecte. Jusqu’à lui confier, à l’issue du congrès de Bourail en 1977, la fonction de secrétaire général d’un parti qui vient d’opter pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. « Il est alors chargé, parmi la jeune garde montante, d’organiser, de développer et de dynamiser la vie organique du mouvement », poursuit Olivier Houdan. Aux élections territoriales de 1979, Pierre Declercq est élu et siège à l’Assemblée territoriale. « Il est sans doute au sein du Front indépendantiste et a fortiori de l’UC, l’artisan patient de l’adjonction du mot “socialiste” à ceux d’“indépendance kanak” qui émergent depuis 1975, à une époque où la force de ces termes remet en cause le fragile équilibre des idées et des sens forgé depuis près de trente ans par la devise : “Deux couleurs, un seul peuple” ». Le 23 juillet 1981, son entrevue avec François Mitterrand, à laquelle participaient également le député Roch Pidjot et Gabriel Païta, enterre l’axe PS-UC échafaudé quelques mois plus tôt avec Defferre et Franceschi : le gouvernement de Pierre Mauroy reste au service de l’Etat français et aux ordres de ses intérêts supérieurs.

La commémoration aujourd’hui

9 heures : rendez-vous à la maison commune de La Conception ;
10 heures : marche vers le cimetière ;
10h30 : dépôt de gerbe, espace de paroles, chorale ;
Midi : repas ;
14 heures : forum sur les suites judiciaires de l’assassinat ;
16 heures : clôture et geste coutumier.

Témoignage

Marguerite Declercq. « J’espère qu’un jour quelqu’un va parler »
« Tous les ans, la famille et les proches, on a toujours voulu marquer ça et on faisait un petit repas ensuite à la maison. L’année dernière, le comité (30 ans Pierre Declercq) s’est dit que c’était à eux d’organiser cette commémoration. Et je leur tire un coup de chapeau car ils ont beaucoup travaillé pour la préparer. Pour nous, c’est toujours dur de se rappeler cet anniversaire. Mais ça se passe très bien. Le premier forum de ce matin [hier, NDLR], avec les témoignages de ceux qui l’ont connu, a bien résumé sa vie. Plus qu’un message, c’est une façon d’être qui caractérisait mon mari. Avant de faire quelque chose, il allait toujours voir les gens à la tribu pour savoir comment faire. Pour ça, il était extraordinaire. C’est un privilège d’avoir vécu treize ans avec un homme de cette envergure. Avec ma petite-fille, on a fait un diaporama pour lequel on a réalisé des interviews, à commencer par François Burck. Beaucoup nous disent, et surtout ses anciens élèves, qu’ils n’ont pas encore fait le deuil de sa mort. Pour moi non plus ce ne sont pas que des souvenirs. Il est toujours là avec nous. Et j’espère quand même, qu’un jour, quelqu’un va parler et qu’on arrivera à apprendre la vérité sur sa mort. »

Textes : Patricia Calonne et Bérengère Nauleau - Photos Delphine Mayeur et DR



19/09/2011
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