Emploi des seniors : le double discours des employeurs
L'âge effectif de sortie du marché du travail est en moyenne de 58,4 ans, alors que les Français ne font valoir leur droit à la retraite qu'à partir de 61,5 ans, en moyenne.
Le double discours des employeurs."Les gens sortent du travail par le chômage, par le licenciement, pas par la retraite", explique Anne-Marie Guillemard, sociologue à l'université Paris-Descartes et spécialiste de la protection sociale. "A partir du milieu des années 1970, les employeurs avaient pris l'habitude d'arbitrer les suppressions d'emplois en défaveur des plus âgés, grâce aux dispositifs de préretraites", expliquait également Anne Jolivet, économiste à l'IRES, au Monde, en 2009.
De nombreux chercheurs mettent en cause le double discours des employeurs sur cette question : d'un côté, le Medef réclame le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite à 63,5 ans. De l'autre, les entreprises font tout pour se débarrasser de leurs seniors. De nombreuses entreprises préfèrent voir leurs salariés partir le plus tôt possible, ces derniers étant considérés comme trop chers et plus assez productifs. Surtout, la difficulté pour les seniors est souvent l'étape suivante : le retour à l'emploi. "La discrimination liée à l'âge à l'embauche est avérée, souligne Anne Jolivet, 57 % des [chômeurs de] 50 ans et plus sont des chômeurs de longue durée."
Des réformes peu efficaces. D'autant plus que ces données évoluent peu : la réforme Fillon de 2003 a eu un effet pervers. Avec les retraites anticipées pour "carrière longue" (plus de 100 000 départs anticipés par an entre 2004 et 2008), le taux d'emploi des seniors n'a quasiment pas progressé ces dernières années.
Le plan d'emploi pour les seniors, inscrit dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, couvre environ 80 % des 17 millions de salariés, selon le ministère du travail. Mais les entreprises ont rarement inscrit des objectifs de recrutement, misant plutôt sur le maintien dans l'emploi.
Améliorer la qualité de l'emploi des seniors. Ce plan reste toutefois très éloigné des politiques volontaristes mises en place dans certains pays. "On est dans du cosmétique", estime Anne-Marie Guillemard. Et de citer l'exemple finlandais. Helsinki a lourdement investi dans l'amélioration des conditions de travail des seniors, l'aménagement des postes et leur fin de carrière.
"La question est bien de savoir pourquoi plus des deux tiers des salariés en France ne souhaitent pas travailler plus longtemps", expliquait Bruno Palier dans un entretien au Monde en février. "Ce n'est pas du tout anecdotique, prévient Anne-Marie Guillemard, c'est un aspect central du débat sur la réforme des retraites : comment donner aux gens envie de rester dans l'emploi."
L'économiste Nicolas Bouzou estime que c'est plutôt l'âge légal de 60 ans qui pousse les employeurs à ne pas investir sur les seniors. Et que repousser cette limite permettrait d'améliorer leur taux d'emploi. Mais d'autres, comme le blogueur et journaliste économique Jean-François Couvrat, remarquent que c'est justement dans la tranche d'âge 55-59 ans qu'il y a le plus d'emplois à gagner.
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