«Il n’y a pas suffisamment de capacités locales»
Mar 27 Juil 2010 |08:43, les Nouvelles-Calédoniennes.
En plein boom il y a peu encore, le secteur du bâtiment pourrait se heurter à l’entrée en vigueur de diverses mesures, synonymes de sérieux coup de frein, telles que la taxe communale d’aménagement. Des agents immobiliers et des architectes s’inquiètent à voix haute.
« Quand le bâtiment va, tout va » assure le dicton. Les yeux sur les comptes, la Nouvelle- Calédonie a pu constater, dans un passé récent, la valeur de l’adage. Même au coeur de la tourmente sur le plan international avec les maudites subprimes de l’Oncle Sam, le marché de l’immobilier a « tourné » à bon régime sur le territoire. Mais une ombre semble planer sur le secteur. Déjà, « depuis le début de l’année », est relevée « une baisse certaine du nombre de ventes par rapport à la même période de 2009 » pointe Jack Chatelin, responsable de l’agence immobilière éponyme, par ailleurs président de la Confédération des professionnels de l’immobilier, la CPI. Le tassement est chiffré à -20 %, tout de même, selon ses propres données. La Direction des services fiscaux a enregistré, elle, 1 597 ventes entre le 1er janvier et le 23 juillet derniers. Soit un niveau légèrement supérieur à la même tranche de l’an passé, un cru connu pour avoir été au final particulièrement faible. Il fallait en effet remonter à 2002 pour trouver une quantité de transactions plus basse. Entre les additions du professionnel et celles de l’administration, un petit décalage peut exister.
Dans six mois ou un an, nous allons avoir une grave crise du bâtiment.
Si le ciel se voile un peu aujourd’hui, les nuages noirs pourraient arriver. Situés bien en amont du circuit de l’immobilier, les architectes sont pessimistes. « Dans six mois ou un an, nous allons avoir une grave crise du bâtiment », souffle Jean-Gabriel Cayrol. Pas moins. D’après le président de l’ordre, le volume d’activité au sein de cabinets a fondu de 30 %, « c’est énorme ».
Les raisons évoquées sont multiples. Une longue liste
d’ailleurs. Outre les actuelles tensions politiques peu propices à
la confiance, surtout à la veille d’échéances électorales
capitales, la taxe communale d’aménagement pèse. « Assise » sur
les permis de construire, cette mesure est en place depuis 1er
juillet dernier dans le Grand Nouméa et s’imposera en octobre à
Nouméa. Pour l’architecte, voilà tout simplement « une taxe
inflationniste », tout comme le futur plan d’urbanisme de la
capitale jugé également « catastrophique » et « réducteur ».
De même, les décisions de construction se heurtent, selon l’ordre,
à la hausse des frais dit de mutation, ou de notaire : ces
prélèvements ont grimpé de 2 % en deux ans. Enfin, la machine de
la défiscalisation, métropolitaine et locale, ne vrombit plus comme
avant, l’état des caisses publiques l’exige. D’ailleurs, des
inquiétudes peuvent légitimement s’élever au regard des finances
de la Nouvelle-Calédonie, ou davantage encore, de la province Sud.
Quels seront les projets d’investissement, sachant que
l’amortisseur à toute crise qu’étaient les programmes liés aux
XIVes Jeux du Pacifique, trouvera par définition sa fin dans
quelques mois.
Certes le secteur était en plein boom ces
dernières années. Du très haut vol même, ne pouvant qu’à un
moment redescendre. Mais une accélération de la chute pourrait se
dessiner. Jean-Marc Saturnin, président de la Fédération
territoriale des agences immobilières, l’observe, « les
investisseurs privés commencent à donner un coup de frein au niveau
des (bâtiments) « collectif moyen » et « immeuble » dans le
Grand Nouméa ».
Y.M.
Questions à…Frédéric Cantin, président de la Fédération des entreprises du bâtiment et des travaux publics
« Nous allons arriver au point bas »
Les Nouvelles calédoniennes : Des agents immobiliers et architectes sont pessimistes pour les temps à venir. Quel est le niveau d’activité dans le BTP ?
Frédéric Cantin : Nous sommes beaucoup plus en aval que ces professionnels. Les carnets de commande des entreprises sont actuellement remplis pour 2010, voire pour une partie de 2011. Mais il est certain que nous nous inquiétons énormément, car ces bruits-là, nous les connaissons. L’architecte est un partenaire à part entière de la profession. Quand il n’a pas de travail, nous savons que six mois à un an plus tard, ce sera à notre tour. Nous attendons beaucoup des grands travaux de l’administration, médipôle et autres, pour avoir certaines retombées.
Quelles sont, selon vous, les raisons de ce coup de frein ?
La taxe sur les permis de construire, le PUD (plan d’urbanisme directeur) de la ville de Nouméa, le régime de la défiscalisation, le contexte politique avec 2014… Avant, il y a deux-trois ans, on ne réfléchissait pas. Maintenant, les gens réfléchissent avant de faire construire. Et la construction est vraiment devenue très chère. Les prix des matériaux ont augmenté. Le coût de la maind’oeuvre aussi, avec la hausse du SMG. Bref, tout cela freine la construction. Il y a plein d’éléments qui nous disent qu’actuellement, malgré les chantiers en cours, la fin de l’année et le début de 2011 seront assez mauvais pour nous. Ça va être très dur.
Jusqu’où ?
Je suis en Calédonie depuis quarante-deux ans et il y a toujours eu des cycles. Quand on était au plus bas, on s’est tous serré les coudes. Maintenant, nous allons arriver au point bas, c’est clair.
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