L’après-2014 débute aujourd’hui
Jeu 21 Oct 2010 |20:00, Les Nouvelles Calédoniennes
Tous à table. Deux comités de pilotage, l’un sur le bilan de l’accord
de Nouméa, l’autre sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, sont installés ce
matin au haut-commissariat. La réflexion inscrite dans la perspective de la
consultation prévue après 2014 est lancée.
Quelques heures avant son départ
officiel vers la Métropole, le haut-commissaire Yves Dassonville installe ce matin,
avec les acteurs politiques du Caillou, deux comités de pilotage capitaux.
C’étaient les dernières consignes assignées lors du comité des signataires de
juin dernier. Ces deux comités concernent le bilan de l’accord de Nouméa, puis
l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Les contours de l’après-2014 commencent à se
dessiner dès aujourd’hui.
Pendant des années, les deux blocs ont campé sur leurs principes : d’un côté,
une indépendance pure et dure en sortie de l’accord, voire la naissance d’un
État associé; de l’autre, une autonomie peut-être large mais toujours
tricolore. Au-delà des schémas français institutionnels, loyalistes et
indépendantistes doivent maintenant imaginer la formule de demain.
Le choix des Calédoniens n’appartient qu’à eux-mêmes.
Ces travaux préparatoires inscrits dans la perspective de la consultation d’autodétermination ne devront nullement être une négociation, mais davantage un échange de réflexions. Et ce, « à l’aide de présentations théoriques et pratiques, en particulier d’exemples pris notamment dans les pays insulaires du Pacifique » avait-on entendu à Paris le 24 juin. Le statut de « pays associé » des îles Cook, ou de Commonwealth à l’américaine aux Mariannes, sera décrypté, analysé. Le président Sarkozy avait affirmé face aux signataires « que la Nouvelle-Calédonie peut s’épanouir, à l’intérieur de la République, dans un vaste espace de liberté que nous pourrions inventer ensemble ». Mais la revendication d’indépendance est forte. « Ce dont je suis certain, avait noté le locataire de l’Elysée, c’est que le choix des Calédoniens n’appartient qu’à eux-mêmes. »
Yann Mainguet et Samuel Ribot
Le concept de « délégation de souveraineté »
Questions à... Guy Agniel, professeur de droit public.
- Les Nouvelles calédoniennes : Que voyez-vous à travers votre concept de « délégation de souveraineté » ?
Guy Agniel : Ce n’est pas une notion qui existe en droit français. Cette expression consiste à décrire un statut : une collectivité - qui pourrait, sur le plan international et interne, exercer ses compétences de souveraineté, devenir indépendante - décide, de manière libre, par un vote de sa population - un référendum local -, de confier l’exercice de ces compétences à la Métropole. C’est un principe nouveau, à peu près le mécanisme du mandant et du mandataire : quand le mandant le souhaite, il peut reprendre le mandat confié à son mandataire.
- Mais comment déléguer des compétences qu’on ne possède pas ?
Elle pourra être en mesure, théoriquement, de les exercer. Le transfert des cinq compétences régaliennes (la justice, l’ordre public, la défense, la monnaie et les affaires étrangères) est une posssibilité prévue par la loi organique, mais aussi par la résolution 1514 des Nations unies relative au droit à l’autodétermination. La Nouvelle-Calédonie peut disposer de ces compétences. Mais est-elle capable de les exercer réellement ?
- Concrètement, quel dispositif pourrait encadrer ce statut ?
J’ai
imaginé la possibilité d’un concours de volontés. C’est-à-dire que la
Nouvelle-Calédonie, par une loi de pays votée à la majorité des 3/5es s’il le
faut, devrait inscrire trois éléments dans le texte. Elle constate que toutes
les conditions sont réunies pour que, si sa population le souhaite, elle exerce
ces compétences de souveraineté et devienne indépendante. Mais elle estime
qu’elle n’a pas les moyens de les exercer correctement aujourd’hui. Elle décide
donc d’en confier l’exercice à la Métropole, sous réserve éventuellement de la
publication d’un rapport annuel.
De l’autre côté, la France vote une loi en termes identiques et accepte
d’exercer ces compétences au nom de la Calédonie. Voilà une sorte d’accord
entre la Calédonie et la France. Vous me direz « On ne peut pas faire d’accord
entre la France et "un morceau de la France ?" » Certes, mais nous
avons déjà un précédent, avec la convention fiscale, répertoriée au
Jurisclasseur du droit international.
- Le niveau d’intervention du territoire sur ces compétences ne devrait-il pas également être précisé ?
Le territoire pourrait demander à être associé à l’exercice de certaines de ces compétences. Et pourquoi pas une double nationalité ? Tout est négociable. Mais tout cela ne peut se concevoir, bien sûr, que si la Constitution est modifiée pour le permettre.
A chacun son scénario
Union calédonienne : « L’accord, rien que l’accord »Charles Pidjot, le 4 octobre 2010 :
« 2014 et 2018 arrivent, le processus que fixe l’accord de Nouméa, c’est l’accession à la pleine souveraineté. »
Gilbert Tyuienon, le 19 avril 2010 :
« L’accord de Nouméa, rien que l’accord de Nouméa. » « On va jusqu’au bout, pas question de négociation. » « La mise en place d’une consultation devra porter sur les termes de l’accord. C’est-à-dire le passage de la citoyenneté à la nationalité et le transfert des compétences régaliennes. »
Parti travailliste : « L’indépendance en 2014 »
Louis-Kotra Uregeï, le 28 septembre 2010 : « La revendication d’indépendance a souvent été un leurre pour beaucoup de gens. Aujourd’hui, non seulement ce n’est pas un leurre, mais c’est une nécessité absolue, compte tenu de la recrudescence des flux migratoires depuis un certain nombre d’années. (...) Il faudra que l’on ait notre indépendance en 2014. »
Rassemblement-UMP : « Élaborer une solution institutionnelle »
Pierre Frogier, 11 septembre 2010 : « En 1998, nous avons préparé l’accord de Nouméa dans la précipitation. (...) Il ne faut surtout pas répéter la même erreur pour la période 2014-2018. (...) Il nous faut élaborer une solution institutionnelle susceptible d’emporter l’adhésion des indépendantistes. Ce ne sera pas une solution idéale, ça n’existe pas. Mais il faut que ce soit une solution durable garantie par la Constitution française. »
Calédonie ensemble : « Une petite nation dans la grande »
Philippe Gomès, le 15 février 2010 : « Vouloir formaliser une solution institutionnelle à marche forcée conduira inévitablement à une surenchère politique à l’approche de l’échéance majeure des provinciales de 2014 ». L’objectif du mouvement reste d’aboutir à une « souveraineté partagée entre la France et la Nouvelle-Calédonie », qui deviendrait « une petite nation dans la nation française. »
Avenir ensemble : « Rester dans la France »
Harold Martin, le 28 octobre 2009 : « Nous voulons rester dans la France. (...) La clé de la sortie de l’accord, c’est bien la question des compétences régaliennes. (...) Une solution de sortie n’a de sens que si elle est définitive, donc partagée par les indépendantistes et l’État français. Pour y arriver, il faudra bien négocier ces compétences régaliennes. »
Le 22 avril 2009 : « Je souhaite éviter un référendum couperet et je souhaite une solution négociée et partagée de sortie de l’accord de Nouméa. Et il faudra s’y mettre dès le lendemain des élections et ne pas attendre 2014. »
Palika : « Les transferts sont irréversibles »
Paul Neaoutyine, Les Nouvelles du 8 mai 2009
« L’indépendance est un droit politique non négociable. (...) Depuis 1998, nous sommes en train de nous approprier nos responsabilités et de nous organiser pour gérer nos problèmes, comme n’importe quel pays. (...) Pour moi, c’est cela l’indépendance au présent. La sortie de l’accord dépend de la réalisation des transferts de compétence visés aux articles 26 et 27 de la loi organique. L’accord de Nouméa considère ces transferts comme irréversibles et prévoit que la consultation entre 2014 et 2018 portera sur cinq compétences régaliennes. »
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