Le drapeau FLNKS hissé au Mwa Ka et au Sénat
Ven 16 Juil 2010 |08:22, Les Nouvelles Calédoniennes
Le
premier acte de l’installation des deux drapeaux s’est joué,
hier à Nouméa, lors de deux cérémonies chargées d’émotion,
l’une sur la pace du Mwa Ka, l’autre au Sénat coutumier. Le
deuxième acte est prévu demain, avec l’État dans le premier
rôle.
Il y a des moments où les
souvenirs et les douleurs du passé reviennent en force dans les
esprits. Où les regards se brouillent et s’égarent au défilé
des temps forts qui marquent une vie. C’est un de ces instants
particuliers qu’ont vécu, hier, la plupart de ceux qui ont assisté
au lever conjoint des deux drapeaux, français et FLNKS. D’abord
auprès du Mwa Ka, emblème kanak érigé Baie-de-la-Moselle à
Nouméa, ensuite au Sénat coutumier à Nouville.
Les ténors de
l’UC avaient prévenu. Si la proposition lancée il y a six mois
par Pierre Frogier aboutissait, ils ne feraient pas les choses à
moitié. Ils y mettraient toute la solennité et la connotation
coutumière qu’exigeait pareille circonstance.
Et c’est ce
qui s’est passé. Place du Mwa Ka, à partir de midi, ont commencé
une série de coutumes où se sont succédé les partis et
organisations indépendantistes : UC, Parti travailliste, USTKE,
Comité 150 ans… Le grand absent étant l’Uni-Palika, seulement
représenté par ses dissidents.
Puis, vers 13h30 sont arrivés
Pierre Frogier et les principaux dirigeants du Rassemblement et de
l’Avenir ensemble : Gaël Yanno, Harold Martin, Eric Gay, Didier
Leroux. Au total, une soixantaine de représentants de la famille
loyaliste sont venus apporter leur coutume.
La reconnaissance de ce drapeau va faire naître un grand espoir dans la jeunesse kanak
À l’arrivée du cortège loyaliste, quelques visages se sont dissimulés dans les larmes. Pierre Frogier lui-même a eu la gorge nouée plusieurs fois par l’émotion pendant sa prise de parole. Le leader du Rassemblement a relu une partie de son discours prononcé le 24 septembre 2003 lors de l’inauguration du Mwa Ka : « C’est à la fois une histoire qui se termine mais aussi et surtout le fondement, l’assise, d’une histoire qu’ensemble et en commun, nous avons entrepris d’écrire. » Autour de lui, Rock Wamytan, Charles Pidjot, Louis Kotra Uregeï, Sylvain Pabouty, présents pour le lever conjoint des deux étendards. « La reconnaissance de ce drapeau va faire naître un grand espoir dans la jeunesse kanak qui va se sentir enfin reconnue et comprise dans son propre pays » a déclaré Rock Wamytan. « Le geste d’aujourd’hui préfigure ce qui va émerger dans les années qui viennent. »
Ensuite, les
différentes coutumes ont été « mariées » puis portées au Sénat
coutumier. « Ce drapeau est le symbole du combat, de la lutte et du
sang versé pour notre reconnaissance », a déclaré Julien
Boanemoi, le président de l’institution. « Le fait que vous nous
l’apportiez est un grand moment pour nous, mais aussi pour
l’histoire de notre pays. C’est un grand pas que nous vivons
tous. C’est un moment de joie car nous franchissons une étape sur
le bon chemin. »
Cette séquence chargée de profonde émotion se
répétera sans doute samedi matin, en présence du Premier ministre,
devant le haussariat.
Textes : Philippe
Frédière, Sylvain Amiotte, Xavier Heyraud
Photos Thierry Perron
et Olivier Broutin
Deux drapeaux, qu’en pensez-vous ?
Nouméa, Lysiane, 19 ans, Amélie, 20 ans
« C’est pas ça, le destin commun »
Je ne vois pas le rapport avec le destin commun. Ce drapeau représente surtout une opinion politique. Il va représenter la communauté mélanésienne, mais pas l’ensemble des Calédoniens. Autant le changer vraiment et en trouver un qui rassemble tout le monde. » « Les mettre côte à côte, je trouve que ça sépare encore plus. C’est comme si aucun drapeau ne représentait l’autre, avec les indépendantistes d’un côté et la France de l’autre. A l’école, on est tous ensemble, soudés, ça se passe super bien. Les politiques, eux, restent trop sur le passé et leurs vieilles histoires. Ils nous parlent de destin commun, mais ils n’arrêtent pas de se prendre la tête. »
Poindimié, Arnaud, Doui, Romarick, Maryse, Kimberley et Frédéric, 14 à 16 ans
« Il faudra bien un seul drapeau »
« C’est
bien de mettre le drapeau kanaky avec le drapeau français car on a
le droit d’avoir notre place chez nous. Il faut que les gens
acceptent le drapeau indépendantiste comme les kanak ont accepté le
drapeau français. Mais comment faire pour choisir un jour un drapeau
? Ça aurait été mieux de les mélanger. Avec les deux drapeaux, ça
représente bien la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui, tout le
monde se reconnaît dedans. Mais le jour où la Calédonie sera
indépendante, ils vont faire comment ? »
« Ce sujet nous
intéresse car ça va nous représenter plus tard. Si un jour un
athlète du pays va aux J.O., il va bien falloir qu’il y ait un
seul drapeau pour nous représenter. »
Maré, Jean-Luc, 23 ans, Maguy, 31 ans, Frédéric, 28 ans
« On est sur la bonne voie »
« C’est
une très bonne idée. On est sur la bonne voie, celle du destin
commun. On le vit et ça donne de l’espérance à tout le monde. »
« C’est un grand pas. Le pays se construit tout doucement mais
sûrement. Mais le ministre vient un peu pour faire joli et il y a
peut être d’autres urgences : plus d’égalité ou lutter contre
la vie chère par exemple. »
« Ce lever des deux drapeaux c’est
très important et c’est un beau symbole. Il faut vivre et
travailler ensemble. Le drapeau du FLNKS, c’est un peu notre
identité, notre culture. On doit être enfin représentés, montrer
qu’on existe et qu’il faut aussi compter sur nous. »
Le FN contre « le drapeau de la honte »
En «
protestation » au lever du drapeau FLNKS, le Front national organise
demain, à 9 heures, au quai Ferry, « une marche pacifique aux
couleurs du drapeau tricolore ». « Nous n’accepterons jamais le
drapeau FLNKS, qui reste un drapeau de la honte, entaché de sang,
déclare sa responsable, Bianca Hénin. Ce n’est pas un drapeau
identitaire, tous les Kanak ne sont pas indépendantistes ! »
Et
d’ajouter : « Tous les Calédoniens qui ont tenu tête pendant des
années en espérant ne pas avoir cette indépendance vont verser une
larme samedi, quand ils vont voir ce drapeau monter. »
Comme
Calédonie ensemble, le FN se dit favorable à la recherche « d’un
drapeau calédonien, propre au territoire », et cite en ce sens «
le drapeau gris avec le cagou ». « Le destin commun, c’est
toujours en faveur des indépendantistes, appuie Bianca Hénin. Mais
quand nous diront-ils ce qu’ils veulent faire de toutes les autres
ethnies du territoire ? »
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