Les drapeaux confirmés
Publié le lundi 11 juillet 2011 à 03H00, Les Nouvelles Calédoniennes.
Les deux drapeaux doivent coexister, selon François Fillon qui s’exprimait vendredi lors du Comité des signataires. Ce qui ne doit pas empêcher les Calédoniens de chercher un drapeau commun.
Photos : Agence GHM et Archives LNC
Pas une joute verbale, pas un mot plus haut que l’autre, mais du travail, beaucoup de travail souvent très technique. Les nombreux élus calédoniens réunis vendredi à Matignon semblaient avoir laissé leurs querelles au vestiaire. Ils ont travaillé sagement et méthodiquement sous la férule du Premier ministre, du ministre de l’Intérieur, et de la ministre de l’Outre-Mer à l’aboutissement d’un Comité beaucoup moins politique que l’an dernier, et très technique du fait des multiples chantiers en cours.
Rappel.
Il faut dire que, d’entrée de jeu, François Fillon a fait quelques mises au point qui ne souffraient guère de contestation. Un mauvais point pour le spectacle de la « succession de gouvernements à peine élus et aussitôt démissionnés [...]. L’Etat a besoin d’interlocuteurs stables ». Un petit rappel sur « l’importance, au sein du gouvernement, de faire vivre la collégialité et le consensus », mais sans un mot sur la demande « d’attribution de secteurs raisonnables » formulée par le parti de Philippe Gomès. Il faut dire que la question avait tout simplement été écartée de l’ordre du jour. Et enfin un cadrage sur la question des drapeaux. L’Etat soutient le « geste politique fort » initié par Pierre Frogier, « qui scelle et renouvelle la poignée de mains entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou ». Mais ce geste ne dispense pas, à terme, de rechercher un drapeau commun tel que prévu par l’accord de Nouméa même si le Premier ministre envisage qu’il faille du temps pour parvenir à une telle solution. D’ici là, « les deux drapeaux doivent coexister ».
Le programme établi par Matignon prévoyant que seul le Premier ministre ferait un discours d’ouverture, personne parmi les responsables calédoniens n’a levé le petit doigt pour intervenir ou émettre une quelconque objection.
L’affaire étant réglée, les très nombreuses délégations se sont mises à plancher sur les dossiers à l’ordre du jour sous la houlette de Marie-Luce Penchard, ministre de l’Outre-Mer.
Un ordre du jour finalisé le matin même de l’ouverture du comité : signes identitaires ; bilan de l’accord de Nouméa (et notamment l’accès des Kanak aux formations supérieures d’encadrement) ; perspectives institutionnelles de la Nouvelle-Calédonie avec la nomination de trois experts ; stratégie industrielle ; transferts de compétences ; contrats de développement et positionnement international de la Calédonie.
Implication.
Un des faits marquants de ce neuvième comité a été la très forte implication des délégations indépendantistes. Malgré son relatif isolement, Paul Néaoutyine a été celui qui est intervenu le plus fréquemment, montrant au passage sa grande connaissance des dossiers. Rock Wamytan et Charles Pidjot n’ont pas été en reste. Parmi leurs préoccupations fortes, la formation de cadres calédoniens. Pierre Frogier y voit l’effet positif du rapprochement permis par le geste des drapeaux.
Sans surprise, Philippe Gomès y voit, lui, une « conséquence négative des drapeaux ». Si les indépendantistes sont venus aussi nombreux, avec autant de sujets à débattre, c’est qu’ils sentent désormais qu’ils ont la main.
Les ténors de l’UC et du Palika se bornent à dire que le temps presse pour rattraper les retards et être en situation de proposer une solution d’avenir à la population. Une solution qu’ils sont prêts à discuter, mais sans jamais perdre de vue leur préférence pour la pleine souveraineté.
Les principales conclusions du comité
- Les signes identitaires Le comité invite les partenaires calédoniens à effectuer « un travail de recherche en commun du drapeau exprimant l’identité kanak et le futur partagé entre tous, selon les modalités qu’il leur appartient de définir ». En attendant, « les deux drapeaux constituent une avancée significative et symbolique de la réconciliation ». Le comité a convenu que tant qu’une solution n’aura pas été trouvée, les deux drapeaux continueront de flotter ensemble.
- Avancement des comités locaux de pilotage (Copil) Bilan de l’accord de Nouméa Le bilan portera sur l’identité kanak, les institutions, les compétences et le développement économique et social. Ce Copil regardera de près le rééquilibrage, le processus de décolonisation et l’accès aux fonctions de responsabilité. Il a été décidé que les policiers calédoniens seront prioritaires pour une affectation en Nouvelle-Calédonie après cinq ans d’exercice en Métropole. Avenir institutionnel Un conseiller d’Etat, un professeur d’université et un haut fonctionnaire d’Etat composent une mission de réflexion visant à alimenter ce Copil. Elle fournira à ce dernier des pistes de réflexion et des bases de discussion. Comité stratégique industriel Le comité a bien avancé. Il lui reste deux points à traiter : les impacts des activités (sur l’environnement, l’emploi, la formation…) et les objectifs et la politique de développement de l’exploitation du nickel. L’Etat restera vigilant à l’actionnariat d’Eramet. Il est « prêt à examiner favorablement le projet de nouvelle centrale électrique de la SLN dans le cadre de la défiscalisation, afin d’aider au choix du gaz ».
- Transferts de compétences : Enseignement Une convention prévoyant la mise à disposition globale et gratuite des personnels rémunérés sur le budget de l’Etat et une convention sur la mise en place d’un service unique de gestion seront signées. Police et sécurité de la circulation aérienne intérieure Les actes les plus importants sont déjà intervenus. L’exigence de sécurité doit être la même qu’en Métropole. Droit civil, commercial et état civil Pour les deux premières matières, deux magistrats seront mis à disposition de la Nouvelle-Calédonie. Ils soutiendront la formation de stagiaires et la rédaction de textes. Sécurité civile Les travaux peuvent se poursuivre pour la création d’un établissement et pour l’élaboration de la loi du pays.
- Contrats de développement : Ceux de la période 2011-2015 seront d’un montant équivalent à ceux de la période précédente. Le comité a toutefois demandé que des « dispositions pragmatiques soient adoptées afin que l’Etat soit en mesure de tenir ses engagements ».
- Environnement régional : Le comité souhaite que la Calédonie soit membre à part entière du Forum des îles du Pacifique. Des délégués du territoire seront installés dans les ambassades de la région.
Les réactions
Harold Martin « L’Etat est mobilisé »
Ce comité nous montre à quel point l’Etat est mobilisé sur la question calédonienne. Un nombre impressionnant de hauts fonctionnaires est là, et c’est un très bon Comité du point de vue technique. Beaucoup de dossiers, notamment sur les transferts de compétence, avancent de manière concrète. On est dans une vraie synergie. Il faut aussi noter la générosité de l’Etat qui maintient son niveau d’engagement sur les contrats de développement. Je suis heureux de voir que les élus calédoniens se sont abstenus de polémiquer.
Gilbert Tyuiénon « La Calédonie se prépare »
Je retiens que la feuille de route fixée l’année dernière est validée et va s’accélérer. Je pense au bilan de l’accord et aux travaux préparatoires aux discussions sur l’avenir. Il est important que, le moment venu, les Calédoniens aient le maximum d’éléments pour se prononcer. Le Premier ministre a donné son accord pour qu’on approfondisse la question de la citoyenneté. Nous avons beaucoup travaillé sur les différents transferts de compétence car il est important que la Calédonie se prépare en termes financiers et humains pour accueillir ces futures prérogatives.
Pierre Frogier « L’important, c’est la visite du président »
Le plus important pour moi reste la visite du président dans quelques semaines. C’est ce qui va marquer l’année 2011. J’espère qu’il sera réélu en 2012. Cela ouvrira pour nous une séquence allant jusqu’en 2017, où nous pourrons construire le projet institutionnel durable dont la Calédonie a besoin. Ce Comité a permis de faire avancer de nombreux points et de lever des malentendus, notamment en ce qui concerne les transferts de compétences. Il s’est passé dans d’excellentes conditions, et c’est dû au geste politique qu’a constitué le lever du drapeau kanak.
Paul Néaoutyine « Nous devons travailler sur les signes identitaires »
Le bilan est positif. Le Premier ministre a rappelé aujourd’hui ce qu’il a dit lors des consultations du mois de mai. Il fallait modifier la loi organique parce que, nous, signataires, en avons fait un usage excessif. Nous avions demandé que le Comité soit recentré sur son rôle, de voir ce qui a été fait ou pas. Je suis content des propos du Premier ministre. Il a recadré les choses. Nous devons travailler sur les signes identitaires. Il reste encore beaucoup à faire. Par exemple, en un an, nous n’avons pas avancé sur l’avenir institutionnel.
Simon Loueckhote « Un comité pas extraordinaire »
Ce Comité n’a pas été extraordinaire de par son contenu et ses débats. Les sujets de fond n’ont pas été traités. On a bien pris soin de les éviter et de les reporter sur des petites structures, tels les comités de pilotage. On a connu des moments plus tendus avec des décisions plus importantes. Il a été rappelé qu’en attendant le drapeau commun, les deux autres drapeaux flotteront. C’est-à-dire que le drapeau indépendantiste ne sera pas celui de la Nouvelle-Calédonie, comme on a pu le comprendre.
Louis Kotra Uregei « Plein d’enseignement »
C’était la première fois qu’une délégation du Parti travailliste participait à un Comité des signataires. Ce fut plein d’enseignement dans la méthode de travail, dans l’approche des sujets. Je souhaite qu’à notre retour les partenaires du conseil politique fassent le bilan de ce Comité. Sur les drapeaux, il n’y a pas de réouverture du dossier. Cela nous convient que ça reste en l’état. Les deux drapeaux vont flotter aux Jeux, lorsque le président de la République sera là. Ce n’est pas la peine de rouvrir un dossier sur lequel il y a déjà eu un consensus.
Philippe Gomès « Le drapeau FLNKS ne peut pas être le drapeau »
C’est un bilan positif pour plusieurs raisons. D’abord, le Premier ministre a rappelé que les travaux sur le drapeau tels que prévus par l’accord de Nouméa devaient être entrepris et qu’il appartenait aux signataires calédoniens de se conformer aux obligations de l’accord. C’est important pour nous parce que nous avons toujours dit que le drapeau du FLNKS ne pouvait pas être le drapeau prévu par l’accord. Ensuite, le Premier ministre a rappelé qu’il était indispensable que les principes de collégialité et de consensus vivent au sein du gouvernement.
Roch Wamytan « L’indépendance peut très bien arriver en 2014 »
L’an dernier, le Comité avait été très politique et celui-ci a été dans la continuité. Nous pouvons dire qu’entre 2011 et 2012, les transferts de compétences seront bouclés. Le Premier ministre nous a assuré qu’il fallait ouvrir le chantier de la citoyenneté calédonienne. Pour les discussions sur l’avenir, nous restons indépendantistes. Ce que nous avons accepté, c’est d’envisager avec les autres forces politiques les alternatives concernant la sortie de l’accord. Mais, si le Congrès organise le référendum et que la population le veut, l’indépendance peut très bien arriver en 2014.
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