Après Blog Service

Après Blog Service

Un film sur le massacre d'Ouvéa privé de sortie en Nouvelle-Calédonie

LEMONDE | 22.10.11 | 13h20   •  Mis à jour le 23.10.11 | 10h24

Nouméa Correspondante - Vingt-trois ans après les faits, les cendres de l'assaut militaire de la grotte d'Ouvéa, dans lequel périrent dix-neuf Kanaks et deux militaires, sont-elles encore trop chaudes pour être portées à l'écran ? "Oui", a tranché l'unique exploitant de salles de cinéma de Nouvelle-Calédonie, Douglas Hickson. Issu d'une vieille famille calédonienne, ce dernier, qui a réservé ses explications aux seules ondes de la radio locale proche de l'UMP, a jugé "très caricaturale et polémique" l'oeuvre de Mathieu Kassovitz, L'Ordre et la Morale, dont la sortie est prévue le 16 novembre en métropole. Accusant le film de "rouvrir des plaies cicatrisées",

M. Hickson a affirmé que ses salles, consacrées au "divertissement", n'étaient pas "le lieu approprié" pour une telle diffusion. En 1997, la même maison avait refusé de programmer Les Médiateurs du Pacifique de Charles Belmont, qui retraçaient les coulisses des accords de Matignon (1988).

 

L'Ordre et la Morale s'attaque à l'épisode le plus traumatique de l'histoire récente du Caillou. Le 22 avril 1988, au terme de deux années de politique du gouvernement Chirac hostile aux indépendantistes, un commando du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) attaque la gendarmerie de Fayaoué sur l'île d'Ouvéa. Quatre gendarmes sont tués puis une trentaine d'autres sont emmenés en otage dans la grotte de Gossanah. En pleine élection présidentielle, la crise est traitée sous pression. L'assaut militaire, le 5 mai 1988 à la veille du second tour, vire au carnage. Kassovitz s'est appuyé sur le livre La Morale et l'Action de Philippe Legorjus, alors patron du GIGN, que le réalisateur incarne à l'écran, et dont les tentatives de médiation avaient échoué.

Le réalisateur a aussi passé plusieurs années à discuter et à rencontrer les habitants de Gossanah, mais il avait dû renoncer à tourner sur place où des réticences subsistaient. L'équipe avait mis le cap sur la Polynésie française, dont l'aide financière au projet avait soulevé la colère du sénateur calédonien, Pierre Frogier (UMP).

 

"Pressions politiques"

Originaire de Gossanah et acteur du film, Macky Wéa affirme que "des pressions politiques" ont conduit à cette censure. "Je suis furieux, mais je m'y attendais. On parle de destin commun mais on refuse de regarder notre histoire commune", s'est-il insurgé, assurant que "le film sera diffusé dans tout le pays", par d'autres vecteurs.

Sur les réseaux sociaux, les réactions des internautes ont plu pour dénoncer "la censure, la dictature et le scandale" de cet ostracisme cinématographie. Figure historique du combat indépendantiste, Paul Néaoutyine, président de la province nord, s'est indigné de cette décision "incompréhensible voire scandaleuse", jugeant les Calédoniens "assez mûrs pour s'approprier leur propre histoire".

Si beaucoup pensent que les pressions ont surtout émané de la droite anti-indépendantiste, L'Ordre et la Morale soulève aussi la controverse dans les rangs du FLNKS, dont le rôle dans le drame d'Ouvéa serait mis cause. "C'est une décision sage de la famille Hickson", a ainsi déclaré Roch Wamytan, président indépendantiste du Congrès : "Le film, a-t-il dit, n'arrête pas de dire que le FLNKS est responsable de l'assaut à Ouvéa, c'est faux. A l'époque, il n'y avait plus aucun contact entre le FLNKS et Alphonse Dianou (le chef du commando kanak)."


Claudine Wéry



24/10/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 209 autres membres