Jacques Wadrawane, l’héritier
Jacques Wadrawane, 47 ans, est le nouveau secrétaire général adjoint du haussariat. Pour la première fois depuis Jacques Iékawé, un Calédonien s’installe au poste. Bien des jeunes peuvent s’identifier à son parcours.
Quand le téléphone a sonné, il était en
route vers un séminaire sur des questions foncières, à La Foa. « J’ai
été pris de court », sourit Jacques Wadrawane, en racontant comment il a
appris sa nomination, en juin.
Directeur de l’Adraf (1)
depuis seulement seize mois, ce Maréen de Nouméa avait « encore des
choses à faire » pour la redistribution des terres. Mais un coup de fil a
tout changé. Un appel historique, qui lui annonçait sa désignation au
poste de secrétaire général adjoint (SGA) du haut-commissariat.
Il n’était pas normal que l’administration ne soit pas à l’image de la Nouvelle- Calédonie.
Il n’était pas normal que l’administration ne soit pas à l’image de la Nouvelle- Calédonie.
Aucun Calédonien n’avait accédé à la
fonction depuis Jacques Iékawé, « SGA » de janvier 1982 à décembre 1985
(avant d’être souspréfet et préfet délégué). « J’ai fait le lien
directement, Jacques Iékawé était de ma famille », avoue son lointain
successeur. « Mais il faut rappeler le contexte : c’était la génération
de nos papas et sa trajectoire était différente. Quand on nous compare,
c’est un grand hommage et un lourd héritage, mais c’est différent. »
Un
point les rapproche, cependant : leurs nominations sont politiques.
Jacques Iékawé avait été conseillé à l’Etat par son parti, l’UC, au
début des années 1980. Si Jacques Wadrawane ne se réclame d’« aucun
parti ni groupe de pression », il décrit également sa présence comme «
un acte très politique », de l’État cette fois.
« Il m’a semblé
qu’il était nécessaire que dans l’équipe des hautsfonctionnaires, on
prenne un Calédonien, et au fond un Kanak », confirme Yves Dassonville, à
l’origine du choix. « Il n’était pas normal que l’administration ne
soit pas à l’image de la Nouvelle-Calédonie. »
Mais il serait
injuste de ne voir que cela, dans l’arrivée de Jacques Wadrawane au
haut-commissariat. À l’Adraf, il s’est attaqué aux terres « dures »,
celles sans consensus local. Elles représentaient 86 % du stock de
l’Adraf à son arrivée, contre 50 % à son départ. De manière générale, il
a laissé partout le souvenir d’un « homme très intelligent, très ouvert
d’esprit », selon Claire Léhé. Chargée de mission à la
Nouvelle-Calédonie, elle l’a connu « en tant que jeune stagiaire à la
province des Îles, à la fin des années 1980 ».
À l’époque, il
n’était encore promis qu’à un avenir ordinaire. Fort de bons débuts au
collège de Rivière- Salée, puis au lycée Lapérouse, mais sans guère
d’intérêt pour l’école. Son groupe de rock lui prenait beaucoup de temps
(« on faisait des reprises de Santana, c’était moi à la guitare solo
»). Au point qu’il s’oriente vers une filière courte, le bac G, « bac à
bon marché, disaiton, directement vers le monde du travail ». Il est
tellement peu intéressé par l’école qu’il rate l’examen une première
fois. « Il manquait un demi-point... Alors j’ai quitté mes copains
caldoches du Lapérouse pour trouver mes copains kanak, au lycée
protestant Do Kamo.» Et c’est passé. Diplôme en main, il postule à la «
Région Îles» de l’époque, et trouve un poste.
D’autres auraient
arrêté leur progression à ce moment-là, lui l’a commencée. En 1989, il
intègre l’une des premières promotions Cadres avenir, et part à
Carcassone (Aude) se former à l’agronomie tropicale. Il reviendra
ingénieur, et travaillera à l’Erpa.
Dix ans plus tard, nouvelle
démangeaison : il faut se former, encore, vite. Ce sera l’école
d’administration (ENA) du Québec. Puis la province Sud, qui l’embauche
au retour. « Il a eu des dossiers moyennement faciles, et il s’en est
très bien sorti », se souvient Philippe Michel, qui se souvient de «
qualités humaines développées, dans le management et la direction ».
D’étape en étape, une constante : le travail. Cette notion, « il faut
s’en souvenir et [la] remettre à sa place », termine Jacques Wadrawane. «
Je dis ça parce que je pense aux années 1950 et à nos parents, qui ont
quitté les îles [Loyauté] pour Nouméa. Ils ont travaillé dur pour que
nous, leurs enfants, ne connaissions pas leur labeur. C’est dans cet
héritage que je m’inscris. »
Marc Baltzer
(1) Agence de développement rural et d’aménagement foncier, dirigée par l’Etat.
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